Résister aux pressions d’une frange de la communauté internationale et en particulier aux assauts répétés des États-Unis qui déclarent vouloir rétablir l’ordre démocratique au Venezuela dans l’intérêt de la population, Nicolas Maduro se montre coriace. Autour de lui, des généraux de l’armée vénézuélienne partagent sa conviction. Visiblement, le Président
n’est guère intimidé.
Ce qui lie les militaires vénézuéliens à Maduro
Pour Arnold Antonin, ancien titulaire de la chaire « Tiers-monde et monde caribéen » de la faculté des sciences humaines de l’Université d’État d’Haïti, Nicolas Maduro a réussi à appliquer une règle chère à Machiavel et reprise par la suite par bon nombre d’hommes d’État : « qui veut détenir le pouvoir effectif doit commencer par contrôler les forces armées». Le disciple de Hugo Chavez est alors parvenu, explique-t-il, à créer une espèce de garde prétorienne à son service. Le système qu’il a ainsi mis en place, croit Antonin, est fondé sur de gros avantages matériels accordés aux chefs militaires.
Significative, en ce sens, cette portion de titre d’un article paru en novembre 2017 dans un numéro du magazine français d’actualités «Le Point » : « … l’armée renforce son pouvoir ». La publication fait référence à la nomination par Maduro du général Manuel Quevedo à la tête de la compagnie pétrolière publique vénézuélienne PDVSA. Celui-ci s’est également vu confier le poste de ministre du pétrole, avec pour mission de restructurer le groupe en butte, à l’époque, à des scandales de corruption. Le magazine rapporte que le président a désigné par la même occasion à la tête du ministère du commerce, le capitaine Jose Vielma Mora, portant ainsi à 14 ministres sur 32 le nombre de militaires actifs ou à la retraite qui servent dans le gouvernement chaviste. Difficile donc de défaire cette solidarité qui existe entre Maduro et les militaires vénézuéliens, pense Arnold Antonin, qui a longtemps vécu et enseigné dans le pays de Hugo Chavez. Il ne minimise pas pour autant les défections de plus en plus fréquentes enregistrées dans les rangs de l’armée. L’institution n’en reste pas moins soudée, en tout cas pour le moment, indiquait-il. Elle fonctionne, en effet, selon les règles typiques du régime que veut établir Maduro, de l’avis du célèbre cinéaste haïtien. C’est dans ce contexte que celui que les Américains considèrent comme un «dictateur » appelle à doter le Venezuela de son propre système d’armement pour, dit-il, garantir la paix dans son pays qu’il a qualifié de «pacifique ». «Le Venezuela détient des milliers de missiles et il faut unir toutes les têtes, les connaissances, l’amour, la passion pour que le Venezuela ait son propre système de défense bien structuré afin de vivre dans la paix », a-t-il martelé. Il peut compter sur la Russie qui d’ailleurs s’oppose à toute intervention militaire américaine sur le sol vénézuélien. Maduro a un autre allié de taille : la Chine. À l’instar du pays de Vladimir Poutine, la Chine dénonce l’« ingérence » étrangère dans les affaires internes de la république bolivarienne. Dans l’intervalle, la situation s’aggrave et le régime chaviste est de plus en plus fragilisé. D’une part, l’opposition conduite par le président autoproclamé, Juan Guaido, et appuyée par les États-Unis et une large frange de la population gagne de plus en plus de soutien à sa cause. D’autre part, la situation économique et sanitaire ne cesse de se détériorer. Les derniers chiffres de l’inflation parlent de 300 000 %. Depuis 2015, l’hyperinflation, les pénuries alimentaires et de médicaments, ainsi que la pauvreté galopante ont fait fuir, dans les pays voisins, plus de 2,5 millions de Vénézuéliens.
Rodrigue Lalanne