Le tourisme d’affaires est aujourd’hui la principale source de clientèle des hôtels de la capitale, loin devant les visiteurs de la diaspora et les touristes proprement dits. Une proportion qui pourrait être infléchie à mesure qu’un autre tourisme, stimulé
par les retours d’image, se développe.
Faire venir des touristes en Haïti, c’est un pari qui reste encore audacieux. Entre les troubles politiques et le tremblement de terre de 2010, le pays est malheureusement plus souvent présenté comme « à craindre » ou « à plaindre » et plus rarement comme « à voir absolument ». Et pourtant, si le pays peut déjà compter sur les aventuriers, les nostalgiques et les touristes « balnéaires » de royal Decameron, c’est probablement les touristes d’affaires qui joueront le rôle de lanceurs de « modes » !
Statistiques en trompe-l’œil
Sur les statistiques de visiteurs en Haïti, il faut faire la part des choses : la majorité sont des croisiéristes qui font escale à Labadie. Ils sont pour la plupart Haïtiens d’origine, sinon il s’agit de touristes qui entrent dans le pays pour leurs loisirs ou pour une occasion professionnelle ou institutionnelle. C’est dans ce dernier groupe que l’on dénombre les touristes d’affaires, un sous-groupe majoritaire à Port-au-Prince. Pour les hôtels de la capitale, cette activité, qui rentre dans la catégorie désignée par les professionnels comme MICE (Meetings, Incentives, Congrès, Événementiel) contribue pour une grande part de leurs revenus et permet aussi d’améliorer la visibilité de la destination.
8 clients sur 10 viennent pour affaires
« Nous avons enregistré une hausse d’événements impliquant des étrangers comparativement aux années antérieures, car nous avons été le pays hôte des grands congrès. Pour n’en citer que quelques-uns, le congrès de l’ACP, du CARICOM et le 32e Congrès de la Conférence Internationale des Barreaux de tradition juridique commune (CIB) ont été des temps forts de notre activité en 2017 », confie Sacha Perez du groupe Buteau Hospitality. Dans le cas des rencontres internationales, tous les hôtels se mobilisent pour répondre à la demande d’hébergement. Quant aux transporteurs et aux restaurateurs, ils voient aussi leur activité augmenter. Pour certains de ces hôtels, le tourisme d’affaires peut représenter jusqu’à 90 % de l’activité hôtelière. On comprend donc qu’ils misent sur la complémentarité de leurs offres combinées « conférence et chambres » et sur un marketing ciblé sur les institutions.
Les grandes compagnies invitent en Haïti
Le tourisme d’affaires est également en partie généré par l’activité des compagnies d’envergure internationale déjà établies en Haïti qui reçoivent des visiteurs tout au long de l’année. Grands acteurs de ce secteur, Digicel et BRANA, reçoivent chacune des centaines de visiteurs par an. En 2017, BRANA a reçu jusqu’à 460 visiteurs, notamment pour la mise en place de ses chaînes hyper technologiques. La compagnie accueille ainsi experts et collaborateurs du monde entier pour des séjours qui vont en moyenne de 6 à 22 jours. Autant de nuitées dont profitent les hôtels de la zone métropolitaine. Dans le cas de Digicel, le propriétaire de la compagnie n’est autre que celui de l’hôtel Marriott inauguré en 2015, avec lequel La Fondation Clinton a travaillé en étroite collaboration pour développer le projet hôtelier.
Forums et sommets internationaux
Haïti a récemment bénéficié du soutien du secteur privé ou celui de sa diaspora. Ce fut le cas l’an dernier du Haiti Tech Summit lancé par Christine Souffrant, haïtienne américaine fondatrice du « Global Startup Ecosystem », et qui a réuni des experts internationaux du domaine High tech des 4 coins du monde, à Montrouis. Pour le resort Decameron, cette rencontre internationale a représenté l’occupation de 350 à 400 chambres pendant 3 à 4 jours… un apport non négligeable, même si ce n’est pas le cœur de cible de Decameron. Cette impulsion donnée par le privé est une véritable profession de foi. « Les associations du secteur privé ont réellement pris un risque en invitant des conférences internationales à se tenir en Haïti », confie Régine Renée Labrousse qui représente BRANA et Amcham.

Konbit public/privé
Le risque a payé ! Le tourisme d’affaires représente aujourd’hui une part essentielle de l’économie touristique haïtienne, mais pour développer ce marché, il faut promouvoir le pays à l’étranger comme destination capable d’accueillir ce genre d’événements, selon les standards internationaux exigés (hébergement, transport, infrastructures médicales…). Il faut aussi et surtout l’appui des institutions concernées : le gouvernement en premier lieu, soit comme prescripteur, par son appartenance aux organisations et marchés internationaux (CARICOM, ACP), soit comme promoteur, par la participation du Ministère du tourisme aux côtés des principaux acteurs de ce secteur dans les salons internationaux. Chaque événement international réussi rassure, incite et invite les organisations et compagnies intéressées à tester Haïti. « L’invitation est lancée aux ministères concernés qui sollicitent ces organisations et gèrent la logistique mais il faut compter avec les obstacles, comme la quantité de chambres ou les exigences de sécurité », explique Christine Boncy de Best Western. Le manque d’infrastructures et l’environnement économique et politique instable qui peuvent nuire au bon développement de ce secteur sont entre les mains des autorités… Mais le potentiel est là. Si l’image d’Haïti évolue et les investissements étrangers progressent dans le pays, l’essor de ce tourisme d’affaires, qui assure aujourd’hui le quotidien des hôtels métropolitains, pourrait demain devenir l’un des promoteurs du tourisme de loisirs.
Stéphanie Renauld Armand