Quand ong et secteur privé sont partenaires
Une ONG basée en Haïti depuis dix ans, spécialisée dans le traitement des déchets humains, réalise, en partenariat avec l’un des plus grands exportateurs de vétiver, une expérience sur l’effet du compost sur la production de cette plante.
Jusqu’à présent, la production de vétiver, très traditionnelle en Haïti, s’est faite naturellement et sans apport d’intrant externe ou fertilisant. Pourquoi ne pas nourrir et restructurer les sols où il est cultivé pour voir si la production d’huile essentielle de vétiver y gagne en volume et en qualité ? Telle est la question à laquelle va tenter de répondre l’expérience qui vient de commencer. L’ONG SOIL (Sustainable organic integrated livelihoods) fait équipe avec Caribbean Flavors and Fragrances SA (CFF), une société haïtienne basée à Port-au-Prince qui produit des huiles essentielles, et l’entreprise britannique de cosmétiques, Lush, à travers son programme de financement de développement agro-écologique durable, SLUSH. Cette expérience agro-industrielle se concentre sur le vétiver, une plante robuste dont les racines contiennent une huile essentielle que CFF extrait et que Lush incorpore dans plusieurs de ses produits cosmétiques.
Haïti est le premier producteur d’huile de vétiver dans le monde. Sa qualité est fortement liée au terroir et les terres du Sud d’Haïti produisent une huile reconnue comme l’une des meilleures. Il n’existe en Haïti qu’une variété de cette graminée cespiteuse vivace – le Vetiveria zizanioides – dont la production haïtienne se situe principalement dans le Sud du pays. Il est connu et utilisé pour ses propriétés de contrôle de l’érosion grâce à ses racines profondes qui peuvent maintenir le sol sur les pentes raides, là où les pluies décapent souvent la couche arable.
Au cours des prochains 18 mois, SOIL réalise une expérience inédite sur l’effet de l’apport de compost sur la qualité de l’huile produite au niveau de trois sites expérimentaux. Dans chacun des sites, dont la qualité de sol est différente, quatre quantités de compost (zéro, 25, 50, et 75 tonnes par hectare) seront appliquées sur les différentes parcelles pour une analyse statistique des résultats. Sur l’un des sites sera également observé l’intérêt de planter une espèce de haricot entre les plants de vétiver. Celle-ci pourra non seulement offrir une récolte après quelques mois mais aussi fixer l’azote de l’air, contribuant ainsi à la fertilité du sol. Cette expérience permettra de documenter l’impact de différentes doses de compost, non seulement sur la croissance végétale du vétiver, mais aussi sur le rendement en huile essentielle et sur sa qualité, lorsque seront envoyés des échantillons de la récolte à la CFF après 9, 11, et 13 mois de production. De plus, l’expérience déterminera l’impact du terroir et de la culture intercalaire du haricot sur le rendement et la qualité de l’huile de vétiver.
Stéphanie Renauld Armand
Dix ans d’action
ONG installée en Haïti depuis 2006 et travaillant dans le domaine de l’assainissement, SOIL promeut des approches capables de résoudre plusieurs problématiques : la pauvreté, la santé publique, la faible productivité agricole et la destruction de l’environnement. Cela a notamment abouti à l’assainissement écologique (EcoSan), un concept qui convertit les déchets humains en engrais. De 2006 à 2009, SOIL a travaillé dans le nord du pays. Après le séisme de 2010, SOIL a étendu les activités d’assainissement à Port-au-Prince, en fournissant un assainissement digne à environ 25 000 personnes déplacées. Aujourd’hui, l’ONG offre un traitement des déchets productif et générateur de revenus avec la production de Konpos Lakay, un compost parfaitement propre (sans aucune trace bactérienne) et qui remplace avantageusement les fertilisants chimiques par un produit national.