Pétrole et gaz naturel bien présents en Haïti

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Ralph Thomassaint Joseph / Challenges

Paret Petroleum a investi d’importantes sommes pour l’exploration des hydrocarbures en Haïti à l’aide des dernières technologies. La compagnie nous a ouvert ses archives pour justifier ses certitudes sur l’existence de l’or noir et du gaz naturel dans le sous-sol du pays.
Par Ralph Thomassaint Joseph

Après avoir mené plusieurs explorations infructueuses aux Etats-Unis, Paret Petroleum mise sur le sous-sol d’Haïti, où, selon les études menées par l’entreprise, existe un grand potentiel en pétrole et en gaz naturel. Après le séisme, cette compagnie a produit une demande de permis de prospection auprès du Bureau des Mines et de l’Energie. « Nous avions rencontré le directeur du BME d’alors, Dieuseul Anglade, qui nous a questionnés sur notre expérience dans le domaine. Ensuite, il nous a demandé les points spécifiques du territoire sur lesquels nous voulions entreprendre les recherches. Il a fallu plus de deux mois de recherche de terrain à notre équipe de géologues pour indiquer au BME les zones qui nous intéressaient », explique Emmanuel Paret. Suite à l’obtention de leur permis, Paret Petroleum a invité quelques grosses compagnies comme Exxon et Shell à s’associer à leur entreprise. « Ils ne sont pas intéressés car, selon eux, Haïti est trop petit pour qu’il y ait une quantité importante de pétrole. Nous nous étions alors tournés vers de plus petites compagnies mais elles craignaient l’instabilité politique et n’avaient pas de preuves tangibles comme nous avons aujourd’hui pour justifier l’existence du pétrole », poursuit le CEO de Paret Petroleum.

Paret Petroleum et Petrogaz Haiti sont les deux compagnies bénéficiant de permis de prospection de pétrole depuis les dernières explorations qui remontent aux années 1980. Les premières recherches de pétrole ont commencé en 1931 par des campagnes gravimétriques, des études magnétométriques et des levées géologiques. Ces recherches ont été effectuées sur terre et sur mer. « Plusieurs de ces travaux se sont révélés positifs, parce qu’ils ont démontré des indices d’huiles et de gaz », rappelle Ludner Remarais, directeur du Bureau des Mines et de l’Energie (BME). Il faut noter cependant que le BME ne dispose pas de tous les rapports des puits forés. De 1950 à 1959, la Commonwealth Oil Company, une compagnie canadienne, a foré quatre puits dont un dans le bassin de la Plaine du Cul-de-Sac et trois sur l’île de la Gonâve. Les rapports concernant les puits de l’île de la Gonâve ne sont jamais parvenus au BME.

Trois demandes de permis d’exploration après le séisme
Après le séisme de 2010, trois compagnies on produit des demandes de permis d’exploration auprès du BME. Petrogaz Haiti et Paret Petroleum sont les deux compagnies qui ont obtenu le permis. La Palmer Petroleum, une compagnie australienne, n’a plus manifesté ensuite son intérêt pour l’obtention de celui-ci.

Etant donné que l’Etat n’a ni les moyens, ni la capacité, d’entreprendre les recherches en hydrocarbures, la loi minière de 1976 l’autorise à accorder des titres miniers à des compagnies privées. Le permis d’exploration est le premier que le BME peut délivrer pour une durée de cinq ans selon cette loi minière. Avec ce permis, les compagnies sont autorisées à mener seulement des recherches en surface. Lorsque les données recueillies se révèlent positives, l’entreprise doit signer une convention minière avec l’Etat pour l’obtention d’un permis de recherche. Ce permis autorise des travaux en profondeur, notamment à travers des forages. D’après Ludner Remarais, le protocole du Bureau des Mines et de l’Energie veut que les entreprises qui font des recherches sur le terrain soient accompagnées d’un représentant de l’institution pour superviser leurs travaux.

Sept zones pour Paret Petroleum, quatre pour Petrogaz Haiti
Les permis de prospection de Paret Petroleum couvrent sept zones. « Mais le BME nous a enjoints de réaliser des recherches sur plusieurs autres zones. Ce qui a augmenté de 100 % nos dépenses », explique Emmanuel Paret. Quatre zones suscitent l’intérêt de Petrogaz Haiti et une attention particulière est accordée au bassin du Plateau Central en raison de ses roches sédimentaires. « C’est la zone la plus intéressante du pays en raison de sa structure géologique, reprend le dirigeant de Paret Petroleum. Disons que le Plateau Central est un œuf fertile pour la production de pétrole. Il possède toutes les caractéristiques pour abriter de larges réservoirs. C’est ce que nos géologues nous ont affirmé. »

Avant de procéder au forage, des études géophysiques préliminaires permettant de repérer les caractéristiques du sol et du sous-sol sont nécessaires. « Quand on veut attirer les investisseurs dans le pétrole, il ne suffit pas de leur dire qu’il y a du pétrole à tel endroit. Ils vont demander les études qui le prouvent. D’où l’importance des études géophysiques », précise Emmanuel Paret. Paret Petroleum a ainsi conduit plusieurs études géophysiques pour repérer les zones à fort potentiel de pétrole. La première était une étude de résonance magnétique nucléaire (RMN) menée par Radiant Exploration Inc., une société américaine basée au Nevada. Ensuite une radiométrie a permis à la compagnie d’avoir tout ce dont elle avait besoin. Son directeur attend la réaction du BME : « Nous sommes donc à ce point. Nous voulons forer maintenant et c’est là que nous sommes bloqués par l’Etat haïtien. A chaque moment, ils nous disent que notre dossier est incomplet sans pouvoir nous dire précisément ce qui manque. Nous avons donné tout ce qu’il faut à l’Etat. Les résultats de nos études, là où il y a le pétrole et les endroits où nous voulons forer. »

Pas de doute sur le pétrole
Le protocole à signer permettrait à la compagnie de forer pour connaître le volume exact de pétrole présent dans le sous-sol. Toutefois, une estimation leur permet d’avancer qu’il y aurait 3,7 milliards de barils exploitables et un volume considérable de gaz naturel.

 JUSTE DE L’AUTRE CÔTÉ de la frontière, en République dominicaine, des forages ont prouvé la présence de pétrole. Photographie par Paret Petroleum
JUSTE DE L’AUTRE CÔTÉ de la frontière, en République dominicaine, des forages ont prouvé la présence de pétrole. Photographie par Paret Petroleum.

« Nous sommes 100 % sûrs qu’il y a du pétrole en Haïti », lance Emmanuel Paret, confiant. Suite à leur voyage en République dominicaine, le personnel de la compagnie y a trouvé des puits forés où le pétrole sort de terre. « C’est le même réservoir qui se trouve à seulement quelques kilomètres de notre espace de recherche », indique Emmanuel Paret. Les études des géologues de Paret Petroleum annoncent 80 % d’exactitude sur la possibilité de présence de pétrole. Au vu de leurs recherches qui ne concernent qu’une partie du territoire haïtien, ils sont très optimistes quant au potentiel total du pays en termes de ressources pétrolières.

Tous les sites que couvrent les permis de Paret Petroleum ont du pétrole, affirme son CEO. Cependant, la chute du prix du baril de pétrole sur le marché international rend ces gisements économiquement moins intéressants à l’heure actuelle. C’est pourquoi, la compagnie espérait d’abord exploiter le pétrole au Plateau Central, pour ensuite, à partir de l’argent généré, attaquer les autres puits.

 EMMANUEL PARET montrant les zones de recherche couvertes par le permis de son entreprise.
EMMANUEL PARET montrant les zones de recherche couvertes par le permis de son entreprise. Ralph Thomassaint Joseph / Challenges

Un volume important de gaz naturel
« Ce sera l’une des plus grandes découvertes de la Caraïbe. Marquez mes mots là-dessus. Nous n’avons pas seulement du pétrole mais aussi d’énormes quantités de gaz naturel », affirme Emmanuel Paret, en pointant les lieux de concentration de gaz sur son ordinateur. Il y a plus de gaz naturel que de pétrole en Haïti. C’est tellement énorme que nous ne le quantifions pas. Il s’agit de milliards de pieds cubes de gaz naturel. » Dans le rapport de Radiant Exploration Inc, inclus dans un document soumis au BME, il est ainsi possible de lire : « Des gisements de gaz ont aussi été détectés par le RNM. Leur dimension s’étend au-delà des limites accordées à Paret Petroleum. »

L’exploration du pétrole en Haïti grève la compagnie de dettes qu’elle souhaite honorer auprès des investisseurs et des banques. Aujourd’hui, Paret Petroleum doit plus de cinq millions de dollars suite aux travaux de prospection. Selon son directeur, le principal blocage actuel vient du Bureau des Mines et de l’Energie. « Je ne veux accuser personne mais les gens tireront leurs propres conclusions », se contente de dire Emmanuel Paret qui estime qu’il s’agit d’une grande opportunité pour le pays que le BME est en train de mal gérer.

L’un des facteurs que la compagnie a du mal à gérer, c’est l’instabilité au niveau de l’administration politique. De temps en temps, les ministres, les Premiers ministres, les directeurs généraux changent. Et avec chaque nouvelle personne, il faut recommencer les négociations. Et Paret Petroleum ambitionne également de construire une raffinerie qui permettrait de réduire considérablement la facture des hydrocarbures et contribuer à renflouer les caisses de l’Etat.

Le bruit de l’existence du pétrole en Haïti alimente beaucoup de rumeurs. D’aucuns avancent ainsi que les réserves locales seraient les réserves stratégiques des Etats-Unis. Mais Emmanuel Paret le voit autrement. Pour lui, les Etats-Unis sont un pays capitaliste qui n’entraverait jamais le secteur privé dans l’exploitation du pétrole.