De multiples opportunités d’investissements existent en Haïti mais de nombreux obstacles aussi. Agroalimentaire, assemblage textile, tourisme et centres d’appels sont aujourd’hui considérés parmi les secteurs économiques les plus demandeurs et les plus porteurs pour les investissements.
Par Stéphanie Renauld Armand

L’administration Martelly a tenté de mettre en valeur les potentialités d’investissement pour relancer l’économie haïtienne fragilisée par le séisme de janvier 2010 et les crises politiques à répétition. Le tourisme étant un secteur transversal – incluant les infrastructures hôtelières, routières, portuaires et aéroportuaires, ainsi que le domaine agroalimentaire et les technologies de la communication – a été considéré comme le levier du développement (entre 2011 et 2016). D’importants investissements ont été consentis pour relancer l’industrie touristique et les résultats sont appréciés par de nombreuses personnes. Des efforts qui devraient – dans le cadre de la campagne résumée par le slogan Haïti is open for business – inciter des entrepreneurs à investir leur argent dans le pays. Mais, en cinq ans, peu d’investisseurs étrangers se sont manifestés. Il s’avère donc nécessaire de rappeler les quatre grands secteurs d’opportunités d’Haïti.


L’agro-industrie en pleine croissance

Franckenson Lexis / Challenges
Franckenson Lexis / Challenges

Avec un territoire de plus de 27 750 km2, Haïti est l’un des plus grands pays de la Caraïbe, avec Cuba et la République dominicaine. C’est aussi l’un des plus peuplés avec plus de 10 millions de d’habitants et donc de consommateurs. La demande en produits agricoles et alimentaires est en croissance aussi bien pour le marché local que pour le marché de l’exportation. Les opportunités de marché sont bien là, à la fois pour des produits de substitution aux importations (céréales, œufs, lait, pâtes, poulets, poissons), mais également pour l’exportation vers la région caribéenne et le marché américain.

En Haïti, le marché des volailles représente une belle opportunité avec plus de 200 millions de dollars US par an. Côté végétal, les atouts naturels sont multiples : le climat et la topographie permettent d’envisager des cultures toute l’année dans les plaines tropicales et dans les zones tempérées. Les terroirs particuliers du vétiver, du citron lime, du café, du cacao ou de la canne à sucre sont très recherchés à l’international.

Autant de filières que le gouvernement (à travers l’Unité de promotion de l’investissement privé dans le secteur agricole, Upisa) encourage et qui bénéficient de financements et de partenariats internationaux techniques. Et les produits comme la mangue, le sisal ou les bananes ont un grand potentiel d’exportation. La demande des marchés en produits bio représente également l’avenir. La certification organique et équitable peut, elle aussi, faire l’objet de soutiens financiers et techniques internationaux. Enfin les accords régionaux de commerce sont favorables à Haïti vers l’Europe et les Caraïbes (ACP) et la proximité et les liaisons maritimes garantissent une livraison rapide sur les marchés de consommation américains.

La niche porteuse
La demande des marchés en produits bio représente un avenir. La certification organique et équitable peut, elle aussi, faire l’objet de soutiens financiers et techniques internationaux.

Les obstacles
Le premier obstacle à l’investissement dans le domaine agricole et de l’agro-industrie tient au foncier. D’une part à cause de la taille restreinte des parcelles mais, surtout, en raison de la tenure foncière : elle n’est pas formalisée et 1/3 des parcelles rurales en Haïti ne sont pas enregistrées (source MARNDR 2009). Cette insécurité de la tenure foncière représente un risque pour les investissements agricoles que des réformes foncières et agricoles devront prendre en compte. La vulnérabilité environnementale du pays s’ajoute au stress climatique. Ce qui reste un impondérable pour tous les agriculteurs du monde présente des risques aggravés pour Haïti en raison de la déforestation. Et les infrastructures de transport ajoutent au risque de perdre une récolte faute de rapidité du transport.


L’assemblage textile, un créneau attractif

Photographie par Marie Arago
Photographie par Marie Arago

Proximité des marchés d’exportation, main-d’œuvre disponible à coût compétitif, avantages fiscaux offerts par l’Etat haïtien et avantages tarifaires vers les Etats-Unis et l’Europe, l’assemblage textile reste un créneau d’investissement très attractif.

Le secteur a repris des forces depuis 2005 en passant de 9 000 emplois à 42 000 en décembre 2015. Premier atout naturel, la proximité des marchés nord-américains et des liaisons maritimes efficaces. Ensuite un réservoir de main-d’œuvre abondant qui ne demande qu’à être formée et à trouver un emploi. Enfin des accords commerciaux (Caribbean Basin Initiative, ACP et HOPE/HELP) qui offrent à Haïti des avantages uniques pour exporter. Les investissements récents dans le parc industriel de Caracol, le parc de Lafito en zone métropolitaine ou l’extension de la zone franche des Palme, témoignent de l’intérêt que représente cette activité industrielle pour les investisseurs locaux et étrangers.

La niche porteuse
Haïti est un pays prometteur pour les investisseurs dans le textile aussi bien par sa capacité quantitative que qualitative : une main-d’œuvre plus qualifiée et sa créativité artistique peuvent augmenter la plus-value de tous les acteurs du secteur.

Les obstacles
Investir dans la sous-traitance, c’est avoir la garantie d’un marché d’exportation à des conditions uniques mais c’est aussi être tributaire de la faiblesse des infrastructures de base, routes et ports, électricité qu’il faut produire, transport ainsi que l’encadrement social des travailleurs ou le contexte légal.


Haïti, une destination unique

Photographie par Daniel Kedar
Photographie par Daniel Kedar

Localisation, culture, histoire, accueil et incitations aux investissements…Haïti jouit d’une situation géographique exceptionnelle, à une heure trente de l’énorme marché américain. Ses atouts naturels –1 700 km de côtes, des plages et sites vierges, la mer et la montagne, des grottes et des chutes ou ses caractéristiques culturelles, édifices historiques et richesse artistique– en font une destination optimale. Royal Caribbean ne s’y est pas trompé qui, en trente ans, a investi plus 100 millions de dollars dans son escale de Labadee. Récemment, le groupe colombien Decameron a misé sur le développement de son concept « tout inclus » sur la côte des Arcadins : investissements de rénovation, d’agrandissement et de modernisation permettent de viser les marchés étrangers avec plus de 400 chambres. Alors qu’avec 9 000 chambres, Haïti reste bien en dessous de capacité d’hébergement nécessaire, de nombreuses opportunités d’investissement cherchent preneur, à l’île à vache, à Côte de Fer ou ailleurs…

La niche porteuse
Immédiatement opérable, c’est celle du tourisme d’aventure qui fait fi des faibles infrastructures et valorise les atouts intrinsèques du pays.

Les obstacles
L’image de la destination demeure un frein important à la relance du tourisme et donc des investissements touristiques. Avec sa campagne publicitaire Haïti : vivez l’expérience le ministère du Tourisme a cherché à repositionner Haïti comme destination phare des Caraïbes mais aussi à mettre en valeur ses atouts culturels. En 2014, l’augmentation de 20 % des séjours en Haïti a ressuscité l’intérêt des professionnels, toutefois l’étude récente la plus exhaustive sur la perception des visiteurs en Haïti (Kolbe, Brooks et al. 2013) montre que les visiteurs évoquent la qualité des infrastructures, craignent la criminalité liée à la pauvreté et la mendicité. Les risques naturels, qui menacent également les autres destinations touristiques de la Caraïbe, représentent un obstacle supplémentaire aux investissements touristiques.


La solution BPO

DR
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L’externalisation représente une opportunité importante pour l’avenir économique d’Haïti, nettement encouragée par le Centre de facilitation des investissements (CFI). Fin 2015, le marché BPO (pour Business Process Outsourcing) des entreprises haïtiennes était à 70 % local mais cette industrie de centres d’appels et services clients à distance, offre de nombreuses opportunités. Elle peut placer Haïti sur un marché d’exportation très porteur où il s’agit de vendre les services offerts par des ressources humaines jeunes et abondantes de plus en plus qualifiées. La proximité avec les USA et le Canada, les affinités culturelles et le multilinguisme courant en Haïti, le fuseau horaire et des incitations fiscales compétitives sont autant d’avantages qui favorisent le développement de cette industrie.

La niche porteuse
Le BPO c’est un atout pour retenir les jeunes qui, formés, peuvent trouver une alternative à l’émigration ainsi que des carrières évolutives. Le BPO peut retenir les cerveaux.

Les obstacles
Comme pour toute activité faisant appel aux nouvelles technologies, les infrastructures jouent un rôle essentiel : bureaux, sécurité, électricité en continu, télécommunications et connectivité sont essentiels. Comme pour les autres secteurs, l’image d’Haïti reste une faiblesse pour les investisseurs étrangers et le marché s’est pour l’instant concentré sur la saisie de données pour les banques et le gouvernement. La plus grosse activité, le télémarketing, ou les appels sortants dans le jargon BPO, est aussi la plus risquée puisqu’il s’agit de vendre des services ou produits pour le compte d’une compagnie et d’être rémunéré en fonction des ventes.