Et si on envisageait les partenariats public-privé ?

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Photographie par Ralph Thomassaint Joseph / Challenges

Naed Jasmin Désiré est titulaire d’une maîtrise en Droit international (Panthéon-Sorbonne) et d’un master 2 en Droit du commerce international (Paris X Nanterre). Elle a travaillé au CFI en tant qu’officier de facilitation et responsable juridique puis été analyste juridique à l’Unité centrale de gestion des partenariats public-privé du MEF. Elle finalise aujourd’hui la création de sa firme de consultation.

L’économie mondiale, dominée par le paradigme du marché, a consacré une profonde mutation du rôle de l’Etat au cours des dernières décennies. Si dans de nombreux pays, il existe un équilibre dans la limitation de l’action de l’Etat et dans son orientation vers une fonction de catalyseur et de régulateur, d’autres sont encore aux prises avec la promotion du modèle étatique ultralibéral. L’Etat haïtien n’est pas parvenu à fournir les services essentiels aux populations ni à jouer sa partition dans l’encadrement institutionnel et la régulation du marché. Le vide laissé par ce désengagement est comblé par les interventions des organisations supranationales, des ONG et firmes privées agissant de façon inefficiente et sans vision d’ensemble. A preuve, l’offre de services en matière d’éducation et de santé est assurée majoritairement par le secteur privé. Il en est de même entre autres, pour l’eau potable, le transport public ou même la justice, avec la recrudescence de la vindicte populaire pour pallier l’inefficacité de la raison judiciaire.

Néanmoins, la prise en charge du privé n’est pas concluante car les prestations offertes sont limitées, parfois chères et pas toujours de qualité. Quant aux services gérés par l’Etat, ils ne répondent qu’au rabais aux besoins des usagers.

« LE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ (PPP) POURRAIT ÊTRE L’UNE DES OPTIONS À EXPLORER CAR ELLE FAIT COÏNCIDER LA RECHERCHE DU PROFIT ET LA SATISFACTION DE L’INTÉRÊT GÉNÉRAL »

 

L’expérience haïtienne montre que le « tout public » ou le « tout privé subsidiaire » ne donnent pas de résultats satisfaisants. Il importe de développer selon un cadre normatif transparent des mécanismes alternatifs et innovants basés sur une collaboration constructive entre l’Etat, les collectivités territoriales, les entreprises privées et la population, afin d’impulser une nouvelle vision du bien-être collectif.

Le partenariat public-privé (PPP) pourrait être l’une des options à explorer car elle fait coïncider la recherche du profit et la satisfaction de l’intérêt général. Il s’agit de contrats de longue durée par lesquels l’entité publique confie à l’opérateur privé, selon des critères prédéfinis, une mission globale de conception, de financement, de construction et maintenance, d’exploitation ou de gestion d’ouvrages et/ou de services publics. Le contrat emportera le transfert de certains risques substantiels au privé en contrepartie d’une rémunération venant directement de l’usager, de l’Etat ou des deux à la fois. Ces transactions assurent la propriété des actifs à l’Etat tout au long – ou au terme – du contrat, et il demeure responsable de l’accès et qualité des services.

Pour un développement harmonieux des PPP, l’Etat devrait favoriser la mise en œuvre de politiques publiques adéquates intégrant des mesures de renforcement des capacités au niveau des collectivités territoriales. La légitimation du PPP devra s’appuyer sur le lancement d’appels d’offres et ce, même dans le cas des offres spontanées, sur la recherche de l’efficience économique des projets ainsi que par la conclusion de contrats gagnant-gagnant. Sans un suivi contractuel assidu des autorités étatiques et une ingénierie sociale prenant en compte les bénéficiaires, les efforts seront vains.

Les PPP ne peuvent à eux seuls répondre aux défis confrontés. Les marchés publics traditionnels doivent être mieux encadrés, les interventions des entités non étatiques devront être coordonnées selon un plan de développement global. L’amélioration des conditions de vie des Haïtiens exige une réforme en profondeur impactant le climat des affaires capable de mobiliser des ressources privées comme véritable levier de croissance.