SAFI MAGLOIRE
Loune Viaud est co-directrice exécutive de Zanmi Lasante, organisation sœur de Partners in Health. Depuis 2010, elle se consacre à Zanmi Beni, le foyer qu’elle a créé pour les enfants y compris des handicapés. Elle a remporté le Prix Robert F. Kennedy des droits de l’homme de 2002 pour son travail pour fournir des soins de santé en Haïti.
Au cours du mois de novembre, dédié aux personnes vivant avec un handicap, ou personnes à mobilité réduite, qu’avons-nous fait pour que leurs déplacements, leur vie sociale, leurs transports ou, en un mot, leur vie quotidienne ne soient pas un cauchemar ? Quels gestes concrets pour contribuer à l’épanouissement et à l’intégration de la population handicapée d’Haïti ? Ce sont là des questions que tout citoyen devrait se poser. Depuis le séisme du 12 janvier 2010, date à laquelle nous avons fondé la Maison Zanmi Beni (ZB), avec un groupe d’enfants et d’adolescents se trouvant à l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH) ou Hôpital Général, je m’émerveille chaque jour de voir combien les enfants et les jeunes qui constituent les membres de la Famille Zanmi Beni apprennent à vivre ensemble, à s’accepter l’un l’autre, dans un respect familial, avec les différents groupes d’âges.
ZB compte au total 63 enfants, dont 33 en situation de handicap. Plusieurs étaient à HUEH, d’autres ont été confiés par l’Institut de Bien Etre Social et de Recherches (IBESR), et finalement, un nombre réduit ont été confiés par un proche travaillant avec nous. Tous ou presque souffraient de malnutrition et de troubles associés. Près de six ans après, je peux constater une grande amélioration dans leurs conditions de vie tout en sachant que beaucoup reste à faire afin qu’ils trouvent leur place dans la société.
ZB n’est pas un orphelinat. Je vois les enfants grandir en famille, aller à l’école, apprendre un métier et devenir des futurs responsables. Certains d’entre eux pourront prendre la relève et continuer le travail. Nous nous efforçons quotidiennement de renforcer les activités en éducation, projets de thérapie par l’art, la réhabilitation. A ZB, nous visons l’autonomie, en développant dans le cadre de Zanmi Lasante, l’association mère, des activités à visée économique : une boulangerie, un restaurant, un projet de pisciculture/écloserie et de vente d’œufs.
Cet espace de vie est très agréable, il est arboré et spacieux avec des aires de jeux pour les enfants. En effet, nous avons plusieurs bâtiments, des plantations, des élevages permettant de créer un environnement « naturel » favorisant leur épanouissement.
Certains des jeunes sont quand même frustrés de ne pas pouvoir aller à l’école. Nous avons un groupe de 33 enfants et jeunes qui se déplacent pour aller à l’école, faute d’accès pour envoyer tout le monde. Nous travaillons de très près avec la secrétairerie d’État à l’Intégration des personnes handicapées (SEIPH), pour promouvoir le droit des personnes en situation de handicap.
Nous avons aussi un partenariat avec Handicap International, où nous organisons des séances hebdomadaires de formation avec des experts en protection ; des spécialistes du handicap, pour aider le personnel et les enfants à avoir une meilleure connaissance des systèmes de protection de l’enfance.
Ma vision d’Haïti pour les personnes handicapées est d’arriver à réduire, voire supprimer, le fossé qui existe entre nous. Construire un environnement accessible et développer la compréhension. Selon l’encyclopédie, le terme handicap désigne la limitation des possibilités d’interaction d’un individu avec son environnement, menant à un stress et à des difficultés morales, intellectuelles, sociales et/ou physiques.
Je rêve d’une Haïti où nous pourrons ensemble, comme société, arriver à réduire les obstacles sociaux pour nous permettre de voir l’autre comme étant l’image de soi.