L’hôpital St-Damien, seul espoir des enfants haïtiens atteints de cancer

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Photographies Par Georges H. Rouzier/ Challenges
Photographies Par Georges H. Rouzier/ Challenges

Personne ne sait vraiment si le nombre de cas de cancer infantile est en réelle augmentation en Haïti. Cependant, il est évident que les médias en parlent davantage. Les cas sont de plus en plus déclarés, voire diagnostiqués, et pris en charge. Pourtant, le cancer de l’enfant est loin d’être une priorité pour les autorités sanitaires. État des lieux.

L’apport de l’Hôpital St-Damien
Jeudi 17 janvier, peu après midi, nous sommes à l’Hôpital St-Damien (HSD), à Tabarre, une commune située au nord-est de la capitale haïtienne, Port-au-Prince. Le rire de Keïsha âgée de 2 ans emplit tout l’espace de la petite chambre à deux lits qu’elle partage depuis le mois de novembre avec Lovinsky, 9 ans, au service oncologique. C’est une enfant toujours gaie, comme nous l’explique sa mère Stéphania. Malheureusement, ça n’est pas le cas après une séance de chimiothérapie, quand Keïsha a des frissons suivis de fièvre, excepte-t-elle. En effet, la petite, tout comme son voisin, est atteinte de leucémie (cancer du sang), pathologie oncologique la plus fréquente chez les enfants du monde entier.

La leucémie, en tant que forme de cancer, reste la deuxième cause de mortalité infantile dans les pays sous-développés comme Haïti, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), citée par le docteur Yvania Alfonso Carreras du service oncologique de HSD. Stéphania raconte qu’elle ne se doutait pas même une seule seconde que sa fille pouvait être atteinte de cancer, malgré une fièvre qui s’en allait et qui revenait tous les 15 jours. C’est la très grande différence entre le cancer des enfants et celui des adultes, explique la cancérologue Alfonso : les symptomatologies sont très générales. On peut les retrouver dans n’importe quelle autre maladie, poursuit-elle. Elle recommande, de ce fait, de recourir à une investigation dès qu’une symptomatologie clinique, telle que la fièvre, persiste chez un enfant au-delà de dix jours. Aujourd’hui, Stéphania et Lérinette, la mère de Lovinsky, se disent satisfaites de la première phase (9 mois) du traitement entamé en novembre par leurs enfants. Ils se portent beaucoup mieux qu’avant, reconnaissent-elles. On peut sauver la vie de près de 9 enfants sur 10 grâce au traitement, pour les cancers de stade 1 ou 2, fait savoir Yvania Alfonso Carreras. On a pu approcher les 70 % de survie, malgré nos faibles moyens, se réjouit-elle. Toutefois, déplore l’oncologue pédiatre, des cas nous arrivent en stades 3 et 4, sans diagnostics et le traitement ne commence alors que très tardivement. En principe, le traitement de la leucémie dure quasiment deux ans et demi. Son coût, comme pour les autres formes de cancer infantile, est évalué à environ 70 000 dollars américains. Pourtant, à HSD, il est totalement gratuit. Les parents ne versent qu’une participation pour les frais de passeport et de voyage, dans le cas où les enfants sont contraints de se rendre en République dominicaine pour y subir une radiothérapie. Cette composante du plan de traitement, qui inclut également la chimiothérapie et la chirurgie, est financée grâce à un don de 10 000 dollars américains (pour un enfant) consenti par l’Hôpital St-Jude, un centre américain de recherche et de traitement consacré notamment aux cancers chez les enfants.

Salle de loisir pour les enfants pris en charge.
Salle de loisir pour les enfants pris en charge.

Pas de statistiques nationales
L’hôpital St-Jude est, en effet, l’un des soutiens financiers de l’hôpital St-Damien qui œuvre en Haïti depuis 1990, à l’initiative de l’association humanitaire internationale « Nos Petits Frères et Sœurs ». Depuis 2012, le service oncologique de HSD a diagnostiqué près de 600 cas de cancers infantiles. « Je parle d’enfants qui viennent ici », souligne Alfonso, pour préciser qu’elle n’est pas en train de citer des statistiques nationales, donnant ainsi une meilleure idée de l’ampleur du phénomène sur tout le territoire Haïtien. De telles statistiques n’existent d’ailleurs pas, aucune structure publique dédiée à la collecte et au traitement des informations y afférentes n’existent vraiment. De même, il n’existe aucun autre centre de diagnostic et de traitement autre que HSD. Du reste, tous les hôpitaux du pays, y compris l’HUEH, réfèrent leurs propres cas au service oncologique pédiatrique de cet hôpital qui ne dispose que de 13 lits, face à une demande qui ne cesse d’augmenter et qui a atteint 83 nouveaux cas en 2018. Pour le diagnostic, le traitement et le suivi des cancers de l’enfant, Haïti ne compte que deux onco-pédiatres : Les Docteurs Yvania Alfonso Carreras et Pascale Yola Gassant, chef du service à St-Damien.

Rodrigue Lalanne