Trois millions d’Haïtiens sont privés d’acte de naissance. L’information est révélée par le directeur général du bureau des Archives Nationales qui soutient que l’État a pour responsabilité d’identifier ces personnes et leur donner une existence légale. L’organisme qui gère la mémoire de la République a un rôle clé à jouer en fonction de sa mission
et de ses moyens.
L’institution fut fondée en août 1860 sous la présidence de Fabre Nicolas Geffrard. Elle est l’une des rares entités publiques à avoir célébré son tri-cinquantenaire d’existence dans la région. Retracer le parcours de l’Administration publique est l’une des missions fondamentales des Archives nationales, un organisme autonome de l’État haïtien, fonctionnant sous la tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication. En effet, elles collectent, préservent, gèrent et traitent tous les documents liés à la Présidence, la Primature, les Ministères, le Sénat et la Chambre des Députés. Aussi, conservent-elles la mémoire sociale, politique et économique d’Haïti. « L’accès aux documents conservés par les Archives Nationales facilite la transparence des actions de l’État aux yeux des administrés », explique son directeur général, soulignant que la confiance créée permet de renforcer l’État de Droit. De plus, ajoute le responsable, « il est le co-dépositaire des doubles registres de tout officier d’état civil du pays jouant ainsi un rôle majeur dans l’authentification des documents délivrés ». Il octroie sur demande des documents d’état civil, dont l’extrait d’acte de naissance est le plus sollicité.
Les grandes réformes effectuées
« À mon arrivée au service des archives dans les années 1980, il n’y avait que 73 employés, et aucun d’entre eux n’avait reçu de formation technique pour travailler dans ce champ », raconte le directeur général de l’institution. Il s’est avéré important de former un corps de techniciens en fonction des besoins, explique-t-il. « Aujourd’hui, on compte plus de 490 employés », se réjouit Wilfrid Bertrand. Avec le concours de ces techniciens, les archives nationales ont pu restaurer tous les documents abîmés. Dans le cadre de ces efforts de modernisation, le bureau des Archives Nationales est passé du support papier au numérique. « Nous sommes en train d’automatiser le système. Pour cela, nous avons récemment lancé un concours de recrutement de jeunes opérateurs d’ordinateur. Environ 80 ont été sélectionnés au niveau national. Leur travail consistera, non seulement, à renforcer la section « saisie automatique », mais aussi à rendre plus performants les réseaux dans les régions », informe M. Bertrand. L’objectif, précise-t-il, est d’arriver au principe de « guichet unique prôné par le Chef de l’État Jovenel Moïse ». Ce service prévoit de délivrer sur place à un citoyen tous les documents dont il a besoin. Autre réforme envisagée : la mise sur pied d’un programme baptisé PGDA, Programme de Gestion de Documents Administratifs. Il s’agira de suivre les documents publics depuis leur création jusqu’à devenir des documents historiques. Les différentes réformes entreprises au sein du bureau des Archives ont permis de mettre les « racketteurs » hors-jeu, selon Wilfrid Bertrand qui constate que « le racket est présent dans toutes les institutions du pays et cette pratique devient presque normale ». Il affirme avoir stoppé ce phénomène, mais non sans peine, en livrant les documents dans un délai record et moins coûteux que le marché parallèle. L’État Haïtien ne réclame que 700 gourdes pour retirer un extrait, et bientôt, il sera livré sur place, à en croire le DG des Archives Nationales.
Défis à relever
Le bureau des Archive Nationales se donne pour mission d’identifier 3 millions d’Haïtiens qui vivent actuellement sans acte de naissance. « Ce n’est pas possible en 2018, on doit absolument corriger cela », lance Wilfrid Bertrand. Ce dernier souligne que c’est pour combler ce vide que la Première dame de la République, Martine Moïse, a mis sur pied le programme « KONTE M, MWEN KONTE ! ». Il s’agit en effet d’un programme qui vise à identifier les individus dès la naissance. L’autre grand défi, c’est de pouvoir archiver les documents sonores audiovisuels. « Un souhait qui va devoir attendre avant d’être réalisé, faute de local adéquat », regrette le responsable des Archives Nationales. En 158 ans d’existence, le bureau des Archives Nationales a déjà traité plus de 3 milliards de documents… qu’ils soient administratifs, légaux, financiers ou probatoires de l’État haïtien ainsi que les registres d’état civil. Et le travail se poursuit sans relâche.
Wandy Charles