Les 10 femmes qui ont retenu l’attention de Challenges en 2016

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7En 2016, de nombreuses femmes haïtiennes se sont manifestées par leur dynamisme et leur engagement à changer les choses en Haïti. À l’occasion de la Journée Mondiale de la Femme, le 8 mars, nous mettons en valeur Axelle Liautaud, Odette Roy Fombrun, Carline Charles Joseph, Michaelle Auguste Saint-Natus, Rose-May Guignard, Michèle Duvivier Pierre- Louis, Jane Wynne, Maridès Ménager Alexandre, Françoise Morailles et Maryse Pénette-Kédar (par ordre de parution dans Challenges Magazine).  Ces 10 femmes se sont successivement exprimées dans Challenges l’année passée, sur des questions aussi fondamentales que l’environnement, l’éducation et l’économie.
Par Guamacice Delice

 

Axelle Liautaud

Axelle Liautaud
Axelle Liautaud

Axelle Liautaud prédisait que 2016 serait « l’année de la renaissance pour l’art et l’artisanat haïtien ».  L’Invitée de notre numéro 20 entendait perpétuer une tradition familiale en ouvrant avec détermination la promotion de la culture de son pays, comme l’avait fait son père Jean Liautaud à travers la Société haïtienne d’Histoire et de Géographie et sa mère, la créatrice Lucienne Champana Liautaud.
En effet, Axelle Liautaud a vu le jour à Port-au-Prince en 1947. Elle a fait des études en Europe et aux États-Unis avant de revenir en Haïti pour se consacrer à l’universalisation de l’art haïtien à travers Gingerbread créé en 1984. À propos, elle a déclaré : « Il fallait faire sortir l’expression d’art populaire du vase clos, surtout des hunfors, les valoriser, les exposer à la face de l’univers. J’ai pris le pari d’abord avec Pierre Ménosier, de regrettée mémoire, en commençant au Centre d’Art par réunir les artistes et leurs œuvres ».

 

Odette Roy Fombrun

Odette Roy Fombrun
Odette Roy Fombrun

Historienne, conteuse, romancière, Odette Roy Fombrun, centenaire cette année, fait la promotion depuis 1986 d’un mouvement social baptisé le « combistisme », qui consiste en l’implication des Haïtiens vivant dans le pays et ceux de l’étranger dans le développement de leur pays. Elle se bat encore à insuffler une prise de conscience aux Haïtiens autour de la nécessité de refaire l’image de la patrie commune. Madame Fombrun cible dans ses actions les trois forces jusqu’ici exclues selon elle dans les projets de développement, qui sont, la communauté rurale, la jeunesse et la diaspora afin d’investir, voire de s’investir dans leur terre natale ou d’origine. Dans son Regard publié dans le numéro 20 de Challenges Magazine en janvier 2016, Odette Roy Fonbrum a présenté le but de cette konbit, qui est « la prise en charge et le développement du monde rural par ses propres ressortissants à partir de son potentiel, de son patrimoine naturel, culturel et historique ».

 

Carline Charles Joseph

Carline Charles Joseph
Carline Charles Joseph

C’est sous la présidence de Carline Charles Joseph que la CCIH a pris position le 24 janvier 2016 en faveur d’une stabilité politique qui favoriserait le bon fonctionnement du monde des affaires, donc contre l’organisation du second tour des élections présidentielles dans les conditions de protestations de l’époque. « Ce qui nous gênait, c’est d’abord d’accoucher d’un résultat qui ne serait pas légitime car une élection est une compétition. (…) Cela signifierait une absence de stabilité qui appauvrirait d’avance notre pays, créant un climat de guerre civile qu’il fallait assez vite éviter », avait-elle argumenté en tant qu’Invitée dans le numéro 26 de Challenges Magazine.
Carline Charles Joseph est l’une des femmes qui ont attiré l’attention de Challenges Magazine en 2016. Cette native de Port-au-Prince est devenue Gonaïvienne par alliance. Arrivés dans la Cité de l’Indépendance en 1985, elle et son mari, le Dr Enold Joseph, ont développé une chaîne d’entreprises qui leur a valu la reconnaissance de tout un département.

 

Michaelle Auguste Saint-Natus

Michaelle Auguste ESaint-Natus

En février 2016, dans le Regard du numéro 26 de Challenges, Michaelle Auguste Saint-Natus a insisté sur la nécessité d’améliorer les compétences des enseignants si l’on veut vraiment renforcer la qualité de l’éducation. En ce sens, l’accès aux « livres appropriés », aux « connaissances de base et/ou renouvelées, un bagage intellectuel suffisant leur permettant de préparer des cours de qualité », a-t-elle soutenu, ajoutant « si on n’enrichit pas immédiatement nos curricula, l’amélioration de la qualité de l’éducation n’est, par conséquent, pas pour aujourd’hui ».
Michaelle Auguste Saint-Natus préconise « des guides du maître avec des leçons très élaborées et des kits de livres scolaires enrichissants ». Elle croit qu’il « faut aussi que des notions d’économie, de compréhension de la pertinence et de l’usage de disciplines telles que la chimie, la physique, la gestion, la technologie soient rapidement incorporées et abordées en classe ».

 

Rose-May Guignard

Rose-May Guignard
Rose-May Guignard

Ce sont les villes haïtiennes qui ont préoccupé Rose-May Guignard en 2016. La spécialiste en planification urbaine et développement régional a appelé à une meilleure gestion des villes, à travers sa production, sa consommation, ses rejets et ses délires. « Nos villes ne sont pas encore perdues », a-t-elle affirmé  dans le Regard de Challenges  numéro 30. « Il nous faut commencer par les cerner, les délimiter  et en faire des unités d’analyses ».
Pour Rose-May Guinard, ce travail « commence par une reconnaissance légale, une cartographie et des outils de mesures propres à la ville », dans le cadre d’une « politique publique » qui prévoit, entre autres, un transport en commun adapté et un système foncier dynamisé.
« Une politique nationale urbaine passe également par une révision de la gouvernance », conclue Rose-May Guignard, soulignant la nécessité que les mesures découlent d’une vue d’ensemble de la réalité.

 

Michèle Duvivier Pierre-Louis

Michèle Duvivier Pierre-Louis
Michèle Duvivier Pierre-Louis

Je ne désespère pas de voir des jeunes s’engager vraiment et collectivement, commencer à travailler sur une pensée qui puisse permettre un frayage ». C’est l’ambition de Michèle Duvivier Pierre-Louis, L’Invitée du numéro 31 de Challenges Magazine en mars 2016. Pour la directrice de la Fondasyon Konesans ak Libète (FOKAL) « l’un des problèmes fondamentaux de la question politique aujourd’hui est l’absence d’alternative et de leadership ». La solution à un tel problème ne peut être individuelle, elle est collective, estime Madame Pierre-Louis qui, en dépit du fait qu’elle est consciente de sa popularité et du respect qu’elle inspire, n’entend pas refaire l’expérience de diriger l’État, du moins dans sa situation actuelle.

 

Jane Wynne

Jane Wynne
Jane Wynne

Jane Wynne a dressé un tableau alarmant de la situation environnementale d’Haïti en avril 2016, dans le Regard de Challenges numéro 36 : « …nous adoptons des pratiques nouvelles qui ne sont pas à notre avantage. Il y en a qui ne sont pas durables (…) on a l’impression que nous nous complaisons dans notre état de délabrement. Nous ne défendons pas la mer qui est devenue une poubelle. C’est presque naturel de marcher sur des mornes de déchets, l’odeur nauséabonde des trottoirs ne nous émeut…». Madame Wynne, de père américain et de mère haïtienne, fait « partie de ceux qui croient qu’il n’est pas trop tard » pour intervenir, rappelant le « rôle clé » de la nature sur la santé physique, physiologique et mentale de l’homme. Au contraire, le moment est opportun, à ses yeux. « Le moment est arrivé pour ouvrir les yeux, redéfinir nos priorités et agir, souligne-t-elle. Le défi est de motiver assez de personnes pour mener des actions drastiques pour que nous fassions la différence pendant que nous sommes encore vivants », lance-t-elle.

 

Maridès Ménager Alexandre

Maridès Ménager Alexandre
Maridès Ménager Alexandre

Challenges Magazine a rencontré la première femme secrétaire générale de la Primature sous l’administration Privert / Jean-Charles (2016),  dans le Portrait du numéro 44. Maridès Ménager Alexandre est fière d’être un produit de l’école publique haïtienne. En effet, cette fille élevée seule par sa mère a fait ses études primaires à l’École Nationale Isidore Boisrond, ses études secondaires au Lycée Marie-Jeanne et son premier cycle universitaire à l’Université d’État d’Haïti. Communicateur social et spécialiste en Droit Public, Maridès Ménager Alexandre ne cache pas ses origines modestes. Elle se réjouit d’avoir su choisir l’opportunité que lui a offerte sa mère en l’envoyant à l’école.  Maridès Ménager Alexandre attire en ce sens l’attention des jeunes sur le fait que les valeurs académiques ouvrent de nombreuses portes.

 

Françoise Morailles

Françoise Morailles

Challenges Magazine a découvert en 2016, dans le Portrait du numéro 45, qu’un seul des 18 parquets de tribunal de première instance du pays était dirigé par une femme. Il s’agit de celui de Jacmel, chef-lieu du département du Sud-est dont Françoise Morailles a la charge jusqu’à présent. Elle l’a été d’abord par intérim avant d’être confirmée par l’administration Privert / Jean-Charles. Pourtant, Me Morailles ne vient pas de la haute société, étant « issue d’une famille modeste de 6 enfants ». Elle a vite su que sa réussite professionnelle dépendait de sa réussite académique auréolée de son sens de la discipline. Née en 1970, la Commissaire du gouvernement, cheffe du Parquet près le Tribunal de Première instance de Jacmel a fait ses études classiques dans sa ville natale. Même après avoir bouclé son baccalauréat en 1996, elle y est restée pour entrer dans l’École de Droit local, qui est une entité de l’Université d’État d’Haïti. Sa thèse pour obtenir sa licence en 2000 était consacrée à la problématique de la sécurité sociale en Haïti.

 

Maryse Pénette-Kédar

Maryse Pénette-Kédar
Maryse Pénette-Kédar

Le problème de l’amélioration de la qualité de l’éducation n’est pas seulement le manque de qualification des enseignants, c’est davantage les mauvaises conditions enseignantes, si l’on en croit Maryse Pénette-Kedar, l’Invitée du numéro 46 de Challenges Magazine, qui encourage la révision de la formation dans son ensemble. Selon elle, le budget alloué à l’éducation est insuffisant. « Il faudrait revoir à la hausse la grille salariale afin d’attirer les meilleurs étudiants dans le secteur. Il faudrait revoir le curriculum utilisé pour la formation des maîtres », préconise-t-elle. Par ailleurs, Maryse Pénette-Kédar, a souhaité qu’ Haïti fasse de son mieux pour fermer la vanne de l’exode de ses fils vers l’étranger, à commencer par leur faciliter l’accès à l’eau potable, à la santé, à l’éducation, à l’électricité, au travail et au divertissement. Elle a plaidé pour une société juste où les valeurs fondamentales universelles sont appliquées.