Le mariage dans le vodou, un rituel de rêve

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LE PÉRISTYLE est décoré à l'occasion de la célébration d'un mariage. Photographies par Placide Lucton/ Challenges
LE PÉRISTYLE est décoré à l'occasion de la célébration d'un mariage. Photographies par Placide Lucton/ Challenges

Dans les temples Vodou, communément appelées Péristyles, les cérémonies se déroulent le plus souvent discrètement. Ce qui donne souvent l’impression que les vodouisants n’organisent pas de mariage. Et pourtant! Challenges permet de découvrir et de comprendre le mariage mystique vodou.

L’arrêté du 4 avril 2003, publié le 21 mai de la même année dans le journal officiel Le Moniteur, sous le gouvernement de l’ancien président Jean Bertrand Aristide, consacre le statut de religion à part entière au Vodou. Elle jouit depuis du privilège de procurer à ses adeptes ce dont ils ont besoin en termes de bonheur spirituel qui s’accomplit à travers chaque solennité comme le baptême, l’initiation ou le mariage.

Dans les temples du Vodou, les chefs de culte célèbrent convenablement le mariage. Ils se rapportent à l’article 5 dudit décret stipulant : « Le Chef de Culte Vodou, Responsable d’un Temple ou d’un Haut Lieu Sacré, peut être invité à prêter serment par-devant le Doyen du Tribunal Civil de son ressort. Une fois assermentés, les Chefs de Culte Vodou peuvent être habilités à célébrer baptêmes, mariages et funérailles ».

À l’instar des autres religions, dans le Vodou le mariage est un sacrement. « Cette alliance entre un homme et une femme traversés par le même amour est l’union corporelle et spirituelle en vue de  créer une famille tout en menant une vie spirituelle saine et remplie de bonheur », explique Claudomir Clodel, le Danti (Houngan) du département de l’Ouest pour le royaume Vodou d’Haïti, dirigé par l’ancien ATI provisoire, Augustin Saint Cloud.

Rythmes et symboles
Les pentarques (vèvè), les apparats, les tambours, les danses, les repas, la couleur de la robe de la mariée (avec ou sans voile), l’échange des alliances, le lancer de riz ou de pétales de rose, le lancer de colombes, du bouquet, le baiser des époux, la remise de l’épouse à son mari par son père, la remise des cadeaux, la coupe du gâteau, la lune de miel…, tout cela fait partie des rythmes et symboles du mariage dans le Vodou.

DEUX modèles d'alliances utilisées dans le vodou
DEUX modèles d’alliances utilisées dans le vodou

Après avoir rempli les conditions exigées par la partie civile, prévues par les articles 63 à 75 du Code civil, l’obligation est faite aux futurs mariés d’apporter les documents suivants : copie et original de l’acte de naissance des futurs époux en bonne et due forme, la preuve de résidence ou de domicile de l’un des époux dans la juridiction, la carte d’identité valide des futurs époux, le certificat prénuptial émis par l’Institut du bien-être social et de recherches (IBESR), selon les prescriptions de la loi du 12 septembre 1961. Une fois que les pièces exigées par l’officier d’état civil dans le cadre d’un mariage civil, mais également par le ministre des cultes, sont en bonne et due forme, on peut enfin procéder aux rituels religieux.  « L’ordo celebrandi matrimonium » commence sous le pavée du lieu sacré avec : La remise de l’épouse à son mari par son père qui symbolise la passation de responsabilité. « Je ne suis plus le principal responsable de cette femme, elle n’est plus sous ma gouverne. Maintenant c’est toi le nouveau père », déclare le père à son gendre symboliquement.

La Couleur de la robe de la mariée, le blanc, symbolise la virginité ou la pureté. Ce qui n’est pas toujours le cas.

Le Voile porté par coutume, symbolise la couverture de la femme par toutes les vertus et aussi sa virginité que le mari aurait à découvrir. À la fin des cérémonies, la mariée qui porte un voile en tulle, le découpe parfois en plusieurs morceaux et les distribue aux femmes célibataires présentes, en gage de leur mariage prochain.

Le houngan ou l’ASONGWE fait l’invocation de maîtresse AYIDA WEDO princesse de la famille, et trace la pentarque (vèvè), ce qui met les futurs époux en relation avec leur Loa. Ceux-ci se mettent en état de DAMBALA et de AYIDA WEDO durant les danses, au rythme des chants et des tambours. Si les conjoints ont plusieurs Loa, une pentarque MINOKAN s’impose. En revanche,  si les mariés sont parrainés par un même Loa, on est obligé d’avoir le vèvè qui correspond à ce dernier, car le vèvè c’est la clef qui ouvre la porte de communication avec les esprits.

DES BOUGIES artisanales de différentes couleurs utilisées en fonction du rituel
DES BOUGIES artisanales de différentes couleurs utilisées en fonction du rituel

Ensuite vient la communion ou le partage spirituel, ce que les autres religions appellent ‘’ la sainte scène’’. Le célébrant invoque le ministre AZAKA MEDE : « nègre montagne de la voute, nègre manya Vodou, toi qui es l’économiste et le ministre des finances dans l’autre monde, on te demande d’embellir nos vies, la vie des mariés, épargnez-nous du malheur et de la pauvreté, et fait que ce morceau de pain (le plus souvent un morceau de KASAV) soit un tremplin pour les mariés, et pour mettre fin à toutes les calamités que les autres souhaitent déverser sur nous ». Ensuite, il prend le pot de café et invoque à nouveau: « En toute humilité MAMBO AYIZAN VELEGEDE, toi qui es une mère généreuse transforme ce café en ton  sang, sang pour purifier le cœur des mariés. Pour fleurir le mariage  comme le vert du café qui fleurit  et le rend rouge de victoire comme le café mûr et prêt à être consommé… ».

Pour clore la cérémonie, le célébrant lit pour les futurs époux les articles 189 à 196 du Code civil, relatant les obligations du mariage, les droits et les devoirs des conjoints. Puis, il requiert et reçoit le consentement de chacun en présence de leur témoin respectif pour enfin prononcer ces paroles: « En vertu des pouvoirs qui me sont conférés par la loi, je vous déclare unis par les liens du mariage ».

MEL