Le commissaire du gouvernement : fonctions et attributions

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L'entrée du Palais de justice de Port-au-Prince, au Bicentenaire.

En dix ans (2007 à 2017), 17 commissaires du gouvernement ont siégé à la tête du Parquet de Port-au-Prince. Ce poste à siège éjectable ne semble tolérer aucune erreur politique, encore moins les excès de zèle

En Haïti, la fonction publique est de carrière, c’est un principe administratif. On dirait qu’il n’est pas valable pour le commissaire du Gouvernement. Entre 2007 et 2017, ils sont 17 à défiler au Parquet de Port-au-Prince : Claudy Gassant, Joseph Manès Louis, Mazar Fortyl, Joseph Manes Louis (à deux reprises), Harricidas Auguste, Félix Léger, Sonel Jean François, Lyonnel Constant Bourgourin, Jean Renel Sénatus, Elco Saint Armand, Norgaisse Gérald, Lucmane Délile, Francisco René, Joseph Kerson Darius Charles, Jean Danton Léger, et Ocnam Clamé Daméus (à deux reprises). Certains sont limogés pour des erreurs politiques ou des dossiers brûlants. Citons entre autres : l’affaire Paul Antoine Bien-Aimé, l’affaire Arnel Bélizaire, l’affaire Clifford Brant, l’affaire Walky Calixte, l’affaire Calixte Valentin, l’affaire Sonson Lafamilia.

D’autres commissaires l’ont été pour avoir refusé de procéder à des arrestations arbitraires. Le commissaire du gouvernement n’est plus libre dans l’exercice de ses fonctions quand les obstacles sont majeurs et multiformes si l’on se réfère à cette citation de Montesquieu : « quand la puissance de juger, qui appartient au judiciaire n’est pas séparée du Législatif et de l’Exécutif, il n’y a point de liberté ».

Désigné en règle générale par l’exécutif et exécutant l’agenda de politique pénale du gouvernement, le commissaire du gouvernement est nommé par le ministre de la justice avec délégation du Premier ministre. Ce professionnel du droit assure une fonction triptyque : Gestionnaire, Magistrat et Agent de l’Exécutif.

Sa fonction trilogique
Gestionnaire, Magistrat et Agent de l’Exécutif, il a plusieurs chapeaux pour plusieurs rôles. « Le commissaire du gouvernement est un agent de l’exécutif dans le judiciaire », en vertu de la loi haïtienne. Ces rôles et fonctions étant légalement définis, il les assimile avec la politique judiciaire du gouvernement en place qui lui est soumis par le Ministre de la justice. D’après le Code d’Instruction Criminel (CIC), il est un magistrat qui a pour rôle « de veiller au respect strict et à l’application de la loi et au respect des intérêts de la société ». Selon l’article 3 du décret du 22 Août 1995, avec ses substituts, ils exercent le pouvoir judiciaire.

Dans son rôle de Magistrat debout, il est le maître de l’action publique et partie principale dans les affaires pénales par-devant le tribunal correctionnel et la Cour d’assises. Comme tout officier de police judiciaire, son rôle est indispensable à la recherche des infractions.

Dans tous les cas de flagrant délit, il doit se rendre sur les lieux, une autorité qui lui est confiée pour garantir la paix et gérer l’ordre social.

De la fragilité du poste
Dans son ouvrage intitulé « Le commissaire du Gouvernement et son siège éjectable », l’ancien commissaire du gouvernement Jean Renel Sénatus, actuel sénateur de la République, relate différents éléments fragilisant le poste. « Quand il s’agit de mettre l’action publique en mouvement contre des proches du gouvernement qui l’a nommé ou quelqu’un ayant un lien avec les haut gradés de l’État, le commissaire peut se faire dérouter. Parfois ses supérieurs lui demandent de classer une affaire sans suite », lit-on dans l’ouvrage du sénateur qui combattait la délinquance juvénile sous le pseudo de « zokiki ». Pour lui, « le sort qui attend toujours ce magistrat debout, mais en réalité accroupi ou couché, est de se soumettre aux caprices des uns et des autres », souligne-t-il. Et après, son passage à la tête du Parquet sera résumé dans le champ lexical de « Soumission, révocation, démission, exil ou maquis ».

De la responsabilité du Commissaire du Gouvernement
La responsabilité du commissaire du Gouvernement est d’abord disciplinaire quand elle réside dans la violation ou la méconnaissance de l’un ou de plusieurs des devoirs professionnels du magistrat. Une responsabilité pénale, quand tombent sur son dos des responsabilités pénales personnelles, car les magistrats ne jouissent d’aucun privilège particulier et ne bénéficient d’aucune immunité. Responsabilité civile, quand il doit répondre personnellement de sa faute.

Le rôle du commissaire du gouvernement est perplexe, son attachement aux pieds de l’Exécutif le rend parfois servile. Quoiqu’indispensable pour la défense de la société, beaucoup espèrent que son pouvoir sera redéfini ainsi que son appellation, en attendant l’arrivée du nouveau Code pénal et du nouveau Code de procédure pénale.

Marc-Evens Lebrun