Le certificat de bonne vie et mœurs, le document qui interroge

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Timothe Jackson/ Challenges
Timothe Jackson/ Challenges

Comme le prévoit l’article 157 de la Constitution de 1987 amendée,  le premier ministre nommé Jean-Henry Céant a déposé au parlement 21 pièces parmi lesquelles son certificat de bonne vie et mœurs. Ce document juridique qui est délivré par un tribunal ou la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) est discutable.

Selon certains hommes de loi, la façon dont les tribunaux livrent le certificat de bonne vie et mœurs pose problème sachant qu’il ne prend pas en compte réellement le passé judiciaire de l’intéressé qui le réclame, à en croire, Me James Sondy Pierre, ancien substitut commissaire du parquet de Port-au-Prince. Ceci nous amène alors à poser la question suivante : à quoi sert ce document ? « Le Bureau du Renseignement Judiciaire (BRJ) de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) certifie que… Monsieur/Madame X… n’est pas, jusqu’à date, enregistré (e) au fichier central de la Direction Centrale de la Police Judiciaire. En foi de quoi ce certificat lui est délivré pour servir et valoir ce que de droit », lit-on dans les certificats de Police fournie par la DCPJ. Ce document réclamé par certaines institutions publiques et privées a une valeur fondamentale d’un point de vue juridique, et administrative pour accéder à certaines fonctions. Une mise en valeur qui généralement est exigée par un employeur qui souhaite avoir accès au casier judiciaire de son potentiel employé ou même une université, nationale ou étrangère, qui l’exige auprès d’un étudiant. « Juridiquement, c’est une pièce d’une assez grande importance, mais les modalités de sa livraison laissent à désirer », déplore Me Pierre.

Que dit la loi sur la réputation et la bonne vie et mœurs ?
Des sénateurs conscients de l’importance de la bonne vie et mœurs ont voté en août 2017 une loi d’une vingtaine d’articles sur le sujet, loi qui doit trouver la bénédiction de la chambre des Députés avant d’être transmise à l’Exécutif pour publication dans le journal officiel « Le Moniteur ». Quoique pour d’autres spécialistes, il existe au sein de cette loi des zones d’ombre, elle contient tout de même des articles remarquables. Il est à souligner les prescrits de l’article 4 qui relate : « la notion de mœurs concerne tout acte public en rapport : à la pornographie infantile ou juvénile, l’inceste, la polygamie, la pédophilie, la prostitution infantile ou juvénile, le proxénétisme et l’homosexualité avérée ». Et l’article 3 qui stipule : « est réputé contraire à la bonne vie tout comportement, toute action causant un trouble à l’ordre public, la Paix publique et collective ; toute action répréhensible posée à l’encontre de sa famille ou de tiers troublant l’ordre public ».

Qui peut être détenteur ou non ?
Selon les explications de l’homme de loi, une personne qui a été condamnée à une peine correctionnelle ou contraventionnelle peut être réhabilitée et peut solliciter ledit certificat. Cependant, pour les peines afflictives ou infamantes, il précise que le condamné, même après avoir purgé sa peine, ne pourra occuper certains postes dans le pays. Pour ceux en faveur de qui une décision en main levée d’écrou a été prise, ils doivent avoir l’ordonnance du juge au moment de réclamer le document. Pour obtenir le certificat de bonne vie et mœurs, l’intéressé doit, entre autres, apporter son acte de naissance, sa carte d’identité ou d’identification nationale (CIN), sa matricule fiscale et deux photos. Les nombreuses personnes sollicitant ce document à travers les Tribunaux de paix du pays ne sont sujettes à aucune enquête sur leur situation judiciaire. Dans les archives des greffes de ces tribunaux, il n’existe pas de moyens appropriés permettant de vérifier si un individu sollicitant ce certificat fait ou non l’objet d’une plainte ou d’une condamnation. Si aucune plainte n’a été déposée à l’encontre de la personne, la justice ne peut pas refuser ledit document à l’intéressé. Et pourtant, le certificat de bonne vie et mœurs peut être refusé selon l’article 14 : a) À celui dont le casier judiciaire contient une condamnation en Haïti ou à l’étranger, à une peine correctionnelle ou criminelle privative de liberté ; b) À celui dont l’honorabilité peut être déniée avec certitude en raison soit d’une ou de plusieurs plaintes fondées concernant son comportement, soit de contraventions encourues notamment pour ivrognerie ou toxicomanie, agressions sonores et nuisances… ; c) Dans tous les autres cas prévus par la loi.

Marc Evens Lebrun