Les Haïtiens de la diaspora ont pendant des décennies revendiqué la possibilité d’avoir une représentation en Haïti. Leur souhait s’est finalement concrétisé en 2011 alors que la constitution de 1987 a été révisée. Mais y a-t-il une réelle double nationalité possible en Haïti ?
La question de double nationalité avait été soulevée dans la réforme de la Constitution initiée par l’administration Préval-Bellerive. C’est sous celle de Martelly-Lamothe, en 2011, qu’elle a été en grande partie réglée. L’article 15 de la Constitution haïtienne qui stipulait que « la double nationalité haïtienne et étrangère n’est admise en aucun cas » n’existe plus. Selon ce qui a été voté au Parlement, la révision des articles, 12.1, 12.2, 13, 14, et 15 permet aux Haïtiens de jouir de leurs doits civils et politiques tant qu’ils sont en règle avec la loi. Lors du vote, 84 parlementaires étaient en faveur de l’élimination de ces articles, 2 contre et 4 abstentions. Une décision qui a changé la donne pour près de quatre millions d’Haïtiens de la diaspora qui contribuent à hauteur de 2 milliards de dollars par an à l’économie du pays, soit 25 % du produit intérieur brut (PIB).
Des distinctions persistent
Pour beaucoup, cette décision était une victoire pour le développement d’Haïti mais elle a cependant ses limites. Certes un amendement annulait l’article 15 mais nulle part il n’est mentionné que la double nationalité est admise. Cette décision n’autorise pas un « nouvel Haïtien » à devenir président, ministre, Premier ministre, député ou sénateur. Une personne qui possède une double nationalité peut aspirer à être CASEC ou magistrat uniquement. Ces exclusions laissent planer l’idée que la question de double nationalité n’est pas totalement réglée et qu’il y a encore cette distinction entre les Haïtiens du dedans et du dehors ! Une réelle double nationalité ne devrait pas faire de distinctions entre les citoyens. La question du droit de vote n’est toujours pas adressée pour les Haïtiens vivant à l’étranger ce qui leur permettrait de réellement prendre part à la vie politique du pays.
Direction le consulat
Les millions d’Haïtiens de la diaspora peuvent avoir une double nationalité, c’est un fait. Mais comment est-elle appliquée et quelles sont les limitations ? Il est difficile de trouver les renseignements concernant les mécanismes à leur disposition pour se requérir de ce droit. Le site du MHAVE (ministère des Haïtiens vivant à l’étranger) est hors ligne et il a été impossible de s’entretenir de la question avec l’actuelle titulaire du MHAVE, Jessy C. Petit-Frère. Se tourner vers son consulat haïtien semble la première étape pour entamer les démarches pour réclamer son passeport haïtien. Pour les Haïtiens d’origine ayant une double nationalité disposant de leur acte de naissance haïtien, les documents exigés sont : un extrait des archives nationales d’Haïti récent, une lettre adressée au consulat haïtien dans laquelle ils expriment leur souhait de récupérer la nationalité haïtienne. Pour les personnes nées à l’étranger de parents haïtiens n’ayant jamais eu la nationalité haïtienne, les exigences sont : un acte de naissance du père ou de la mère, faire une déclaration tardive au consulat pour l’obtention de l’acte de naissance haïtien, une lettre adressée au consulat pour demander la nationalité haïtienne. Pour ce deuxième groupe, les démarches peuvent se compliquer, lorsque les parents n’ont conservé aucun extrait d’archive ou ne sont plus en vie. Une rencontre avec un agent consulaire s’impose dans des cas plus complexes. La délivrance du passeport haïtien peut prendre au maximum deux mois.
Les avantages de la double nationalité
D’un point de vue individuel, la double nationalité donne accès à certains avantages : droit de propriété, facilité d’emplois, être en mesure d’exercer ses droits civils et politiques. Au niveau de la patrie, en accordant la double nationalité, Haïti n’a rien à perdre, mais beaucoup à gagner. Cela peut avoir un impact certain sur le flux de cerveaux pouvant participer positivement au développement du pays. Des milliers de professionnels formés qui ont gardé un lien fort et un attachement certain pour le pays peuvent offrir leurs compétences et savoir-faire pour l’avancement du pays.
Carla Beauvais