La toute dernière création de la Police nationale d’Haïti en termes d’unité spéciale a pour acronyme BOID. Derrière celui-ci se cache la Brigade d’opération et d’intervention départementale. À ses commandes, Vladimir Paraison, directeur départemental de l’Ouest.
C’est dans le campement de la Brigade d’opération et d’intervention départementale (BOID) à Fort-National que nous avons rencontré le commandant de cette unité spéciale, Vladimir Paraison et ses hommes. Le bâtiment qui les accueille a été tour à tour une base militaire haïtienne, une prison pour femmes et une base pour une partie du contingent brésilien de la Minustah. C’est d’ailleurs la force onusienne qui a offert ce lieu à la Police nationale d’Haïti (PNH). L’effectif des casques bleus diminuant depuis l’annonce du retrait graduel des forces de l’ordre étrangères, la récupération des lieux se fait de façon naturelle. Une autre base, celle du Pérou, a ainsi été concédée à la BOID à Fonds-Parisien. Pour le moment, elle ne peut être exploitée vu son état et la Direction générale n’a guère les moyens d’y investir. Quand on observe les installations dans lesquelles la BOID évolue à Port-au-Prince – lits de fortune, toilettes insalubres, espace cuisine/cafétéria quasi inexistant – le manque de moyens apparaît flagrant. Avec toutes ses unités spécialisées et dans les conditions précaires dans lesquelles elles doivent évoluer, la question se pose de savoir si la PNH a les moyens de ses ambitions. Pourquoi cette nouvelle unité ? Pourquoi délocaliser 203 agents de la PNH alors qu’elle souffre déjà d’un manque d’effectif ?
Vladimir Paraison affiche sa confiance face à ces interrogations : « Je dois aborder la question avec plus de généralités que de particularités. La PNH en tant qu’institution républicaine est en pleine gestation quant aux services qu’elle doit rendre et essaie d’ajuster sa formation par rapport aux urgences du moment. »

La réponse rapide à une situation en attente
La BOID arrive dans un contexte spécial. Elle a pris naissance lors d’un Conseil supérieur de la police nationale (CSPN) au Palais national. Y étaient présents : le président de la République et ses conseillers, le Premier ministre, les ministres de la Justice et de l’Intérieur, le secrétaire d’État à la Sécurité publique, le directeur général de la PNH, l’inspecteur général en chef et le directeur département de l’Ouest, Vladimir Paraison. Dans un contexte de flux de manifestations à Port-au-Prince qui avaient pour trajectoire finale le Palais, ces hommes réunis ont décidé qu’il fallait une force départementale capable d’assister les unités sur place tout en constituant une force dissuasive capable, à n’importe quel moment, d’assurer automatiquement le relais ou, du moins, de sécuriser un périmètre en attendant les unités relevant de la direction centrale.
Puisque les besoins étaient plus pressants, le projet pilote a démarré dans le département de l’Ouest. Au nombre des missions de la BOID, notons : la lutte contre la criminalité dans les milieux difficiles ; le renforcement sur demande des unités départementales et des commissariats ; la coordination avec les unités départementales de la prévention et de la lutte contre la grande délinquance et l’appui aux unités d’investigation des départements auxquels elle est affectée.
Pour Vladimir Paraison, les avantages sont nombreux puisque la BOID est une unité mobile qui peut intervenir dans tout le département. « À Port-au-Prince, le directeur départemental peut avoir recours à la CIMO, à l’UDMO, recevoir l’assistance du SWAT ou de la BIM (Brigade d’intervention motorisée), mais dans les autres départements, que se passerait-il en cas de force majeure ? », s’interroge-t-il, en pensant à l’extension de la brigade dans le pays, avant de présenter un exemple concret. Prenons mon cas, lorsque j’étais directeur dans le département du Nord et devant faire face à une situation à Fort-Liberté (à la limite de la République dominicaine) : des fauteurs de trouble entrant en Haïti pour commettre un délit lourdement armé. En tant que directeur départemental, face à une telle situation, je dois informer automatiquement mon supérieur hiérarchique. J’appelle le directeur central de la police administrative ou le DG. S’ils ne répondent pas, je dois passer par le CRO (Centre de renseignements opérationnel) qui couvre la République. Je leur fais part de la situation et c’est à eux de relayer l’information soit au ministre de la Justice soit au Premier ministre pour avoir l’autorisation d’envoyer des renforts dans la zone. Pour mettre le SWAT en mouvement, il faut avoir l’autorisation du chef du CSPN ou du président de la République. Si le Président ou le Premier ministre ne sont pas rapidement disponibles, le non-déploiement rapide du SWAT, par exemple, dans un contexte d’urgence dans un département donné peut avoir un impact dramatique. »
La BOID peut donc consolider les équipes ou les services départementaux grâce à sa formation aux techniques tactiques d’intervention (TTI), mais elle peut aussi s’impliquer directement, soit pour circonscrire une situation délicate, soit la limiter en attendant d’autres renforts.
La BOID a été critiquée pour certaines de ses interventions. L’exemple de Cité-Soleil il y a quelques mois reste frais dans les mémoires. Sans nier des écarts de conduite de la part de certains de ses agents, Vladimir Paraison assure toutefois que lorsque les enquêtes révèlent des fautes graves, les agents impliqués sont démis de leurs fonctions sur le champ. « Il y a eu des écarts causés par des éléments au sein de notre force, je l’admets, explique le commandant. Tout agent accusé d’avoir agi de façon illégitime fait obligatoirement l’objet d’une réprimande classique ou aiguë. Dans la formule classique, le chef de cabinet scrute le dossier, analyse les faits et établit des recommandations. Si je ne peux traiter cela à mon niveau, je soumets le dossier auprès de l’inspection générale tout en tenant la direction générale informée de la situation. Plusieurs cas d’agents de la BOID sont à l’étude à l’inspection générale. Nous ne sommes pas là pour cacher le mal, nous sommes là pour mettre en place des procédures qui permettent un encadrement adéquat des agents de la BOID qui, s’ils sont reconnus coupables, devront répondre de leurs actes. »
Vladimir Paraison soutient que le rôle même la BOID implique forcément l’usage de la force : « La BOID a toujours été en renfort aux autres unités déployées dans les manifestations (CIMO, UDMO). Quand il s’agit d’une situation de maintien de l’ordre, la BOID reste en arrière-plan. Si cela dégénère et que les unités en place ont besoin de renfort, la BOID intervient en attendant l’arrivée d’autres agents pour contenir le périmètre et assurer la sécurité de tous. Quand la BOID doit intervenir, c’est de manière musclée certes puisqu’il y a risque en perte de vie humaine. » Le commandant de l’unité tient cependant à préciser que ses hommes ont reçu une formation leur permettant de ne recourir à l’usage de leurs armes à feu qu’en dernier recours.
Les résultats des quelques mois d’opération de la BOID seront-ils concluants pour que le projet s’étende à d’autres départements ? C’est maintenant à la direction générale d’en décider.
Carla Beauvais
Comment les agents sont-ils recrutés ?
Pour intégrer les effectifs de la Brigade d’opération et d’intervention départementale, les postulants doivent répondre à cinq prérequis :
- Être policier actif ;
- Avoir entre 18 à 35 ans ;
- Remettre à la direction départementale les pièces suivantes : certificat de formation à l’École de Police, badge de service, un ordre de route du supérieur direct qui autorise à prendre part à la formation de la BOID ;
- Réussir les tests physiques et médicaux ;
- Recevoir l’approbation de la MINUSTAH après analyse du dossier de l’agent et de la réalisation d’un vetting* en profondeur.
* Le programme vetting fait partie d’un accord signé, en 2005, entre le gouvernement haïtien et la MINUSTAH. Il a pour but d’évaluer la moralité et l’intégrité de chaque agent à travers des enquêtes individuelles suivant le droit haïtien et le code de discipline de la PNH.