Haïti, pays lumière dans deux ans…

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TIMOTHE JACKSON/ CHALLENGES
TIMOTHE JACKSON/ CHALLENGES

Ce rêve deviendra-t-il réalité en 2019 ? Le président Jovenel Moïse y croit et laisse espérer que tous les moyens nécessaires seront mobilisés pour arriver à électrifier l’ensemble du territoire haïtien. Ceci exigera des efforts colossaux pour quadrupler la production de la compagnie nationale d’électricité.
Par Marc Evens Lebrun

Il n’est pas le premier à promettre du courant électrique 24/24. Jovenel Moïse, lui, inscrit sa démarche dans le cadre des efforts visant à sortir Haïti de son sous-développement chronique. En ce sens, on peut considérer les annonces qu’il a faites fin juin et début juillet comme un engagement formel d’adresser la crise du « black-out ». Mais, rien ne sert d’annoncer des projets de grande envergure, si l’on n’a pas les moyens de les réaliser.

S’agissant de production d’énergie, on doit obligatoirement se tourner vers la compagnie nationale d’électricité qui connaît aujourd’hui sa pire crise depuis son inauguration en 1971. En effet, l’électricité d’Haïti accuse une perte de 55 %, et sur la quantité produite et facturée seulement 22 % de recouvrée. De fait, l’entreprise publique, pour continuer d’exister, a accumulé des dettes évaluées à environ 3 milliards de dollars américains au 14 janvier 2014, selon une source proche de l’EDH. Et sans la subvention de l’État (200 millions de dollars par an), la région métropolitaine de l’ouest en particulier serait privée de courant électrique de jour comme de nuit. Actuellement, la totalité de sa production ne dépasse pas les 180 mégawatts, or la demande nationale est estimée à plus de 1 000 mégawatts. On comprend mieux pourquoi certaines personnes avisées qualifient « d’utopie » le projet de « courant 24/24 » dans les 24 prochains mois.

Tout à refaire

La gravité de la situation est mise à nue par le rapport de 2016 sur l’énergie réalisé par les institutions internationales « Choiseul et KPMG » qui placent Haïti en dernière position sur 146 États.

Hormis les pertes d’énergie qui sont les plus élevées dans le monde, soit 65 % de la production, enregistrées par les réseaux électriques haïtiens, viennent bien d’autres problèmes cruciaux auxquels l’administration Moïse-Lafontant doit obligatoirement trouver les meilleures solutions qui permettront au pays de sortir de cette crise interminable.

Avec seulement 55 km de lignes pour 115 kV (kilovolt) et 40,5 km de lignes pour 69 kV, reliant uniquement certaines villes, Haïti est loin de se doter d’un véritable réseau, c’est-à-dire d’un réseau unique de transport reliant les principaux centres de production et
de consommation.

LA PLUPART des installations de l’EDH
sont désuètes

Le réseau de distribution de Port-au-Prince, rénové à 85 % au début des années 80, présente aujourd’hui des faiblesses qui le rendent presque inexploitable. La même situation prévaut dans les villes de province où les réseaux sont pour la plupart vieux de plus de 30 ans. Les sous-stations de l’aire métropolitaine ont été mises en service, il y a plus de vingt ans.

Or, le président Jovenel Moïse annonce que les 16 grandes villes du pays seront interconnectées pour permettre une distribution plus efficace du courant électrique qui sera produit en fonction de la demande nationale. « On peut à la fois produire et acheter du courant pour avoir la quantité nécessaire à l’électrification de tout le pays, mais le plus important c’est la distribution », explique le chef de l’État qui annonce que la première étape consiste à réhabiliter le réseau de distribution en le modernisant. Parallèlement, des contrats seront signés avec des entreprises haïtiennes et/ou étrangères pour la production d’un total de 200 mégawatts d’énergie propre (à partir du soleil, du vent, de l’eau et de gaz naturel).

L’actuel directeur général de l’EDH, Hervé Pierre-Louis, insiste pour sa part sur l’importance d’une meilleure facturation sinon la commercialisation du courant sera toujours déficitaire.

Un ensemble d’efforts à déployer pour pouvoir atteindre l’objectif « courant 24/24 en 24 mois » et faire en sorte que le kilowatt soit compétitif par rapport aux autres pays de
la Caraïbe.

Améliorer le parc des équipements 

EN RAISON de l’incapacité de l’EDH, des institutions installent des systèmes autonomes de production de courant électrique. GEORGES H. ROUZIER/ CHALLENGES
EN RAISON de l’incapacité de l’EDH, des institutions installent des systèmes autonomes de production de courant électrique. GEORGES H. ROUZIER/ CHALLENGES

Le premier outil nécessaire aux activités commerciales reste le véhicule à moteur qui doit assurer la mobilité des équipes pour les services externes. Les activités commerciales, le branchement des clients, le débranchement, sans compter la résolution des pannes techniques sur le réseau de distribution, les inspections de compteurs, les actions de suivi après débranchement, les inspections suivies d’arrestation de fraudeurs… Autant d’opérations à mener quotidiennement alors que le parc de véhicules de la Direction commerciale de l’EDH est limité à 40 véhicules dont cinq seulement sont en parfait état
de fonctionnement.

Ces problèmes devront être résolus avant même de passer aux étapes les plus importantes du projet « courant 24/24 en 24 mois » du président Jovenel Moïse.