Le Fonds Monétaire International annonce un prêt de 229 millions de dollars à Haïti avec 0 % d’intérêt sur 3 ans. Le FMI veut ainsi aider le pays à sortir de la crise économique dans laquelle il patauge. S’il s’agit pour l’Exécutif d’une bonne chose, des organisations de la société civile pensent au contraire que ce genre d’initiative ne fait qu’affaiblir la souveraineté nationale dans la mesure où le FMI trouvera matière pour s’ingérer davantage dans les décisions de l’État.
Créé dans un contexte un peu particulier en 1944 par l’accord de Brettonwoods pour veiller à la bonne stabilité financière dans le monde, le FMI est aujourd’hui le dernier rempart de l’économie mondiale, notamment pour les pays du Sud. Depuis qu’Haïti a rejoint le Fonds le 8 septembre 1953 et a adhéré aux obligations de l’article VIII de son statut, les actions d’aides et prêts du FMI en faveur d’Haïti n’ont cessé de se multiplier. En vue de sortir Haïti, de la crise financière qu’elle connaît, le FMI a récemment proposé un montant de 229 millions de dollars au gouvernement haïtien puisque « Prêter de l’argent aux pays qui traversent des crises économiques est le credo de ce fonds depuis 1976 pour éviter toute contagion d’une crise financière d’un pays au reste du monde ». Lorsqu’un pays adhère au FMI, il s’engage à le financer à concurrence d’un montant appelé « quote-part ». Les quotes-parts se composent de deux tranches : une première tranche correspond à la mise à disposition du FMI, par le pays membre, d’une partie de ses réserves de change. La deuxième tranche est constituée, pour ce même pays membre, de montants libellés en monnaie nationale. Exprimée en droit de tirages spéciaux (DTS), la somme des quotes-parts de tous les pays membres du FMI atteint 238 milliards de DTS, dont 42,1 milliards pour les États-Unis, le premier contributeur avec près de 17,7 % du total. Pour chaque membre, la quote-part représente la limite maximale des sommes qu’il s’engage à mettre à la disposition du FMI pour financer ses opérations. Haïti finance un quota total de 81,90 millions de DTS, et encourt des crédits pour un montant de 47,97 millions de DTS, selon des données recueillies sur le site web du FMI.
229 millions de dollars américains pour quoi faire ?
Réduire la pauvreté, encourager la bonne gouvernance, relancer la croissance et stabiliser la situation économique du pays, voilà les principaux axes de ce soutien apporté par l’institution financière. « L’accord auquel nous sommes parvenus vise à aider Haïti à surmonter son état fragile actuel et à atténuer les difficultés des plus vulnérables […]. Les plus pauvres d’Haïti seront parmi les premiers à en bénéficier de manière tangible », selon Chris Walker, le chef de ladite mission. « Ce programme prévoit aussi des fonds pour diverses mesures de protection sociale, allant de l’alimentation scolaire aux transferts monétaires ciblés, en passant par des fonds destinés au logement social », rajoute-t-il.
Des prêts toujours avec une contrepartie
Puisque les banquiers ne fonctionnent pas dans la gratuité, le FMI impose ses conditions à ses récipiendaires. Les États secourus doivent, de leur côté, accepter de modifier leurs politiques économiques. Trouver des changements structurels et de nouvelles politiques économiques ou du moins le FMI peut leur apporter une assistance technique soit: sur la politique fiscale, la gestion des dépenses ou encore la réglementation des systèmes bancaire et financier. Dans le cas d’Haïti, « le FMI attend la formation du prochain gouvernement et la ratification du budget de l’exercice 18-19 pour appliquer ce programme de prêt sur trois ans en contrepartie de la réalisation des objectifs convenus », déclarait Gerry Rice, directeur de communication du FMI. Ce qui, d’après l’économiste Camille Chalmers, démarre les jeux de dictées entre le Fonds et Haïti. D’après lui, les 229 millions de dollars de prêt du Fonds Monétaire International accordés à Haïti proviennent d’un deal politique. Le porte-parole du parti « Rasin Kan Pèp la », indique que ce prêt n’est qu’une récompense du département d’État américain au gouvernement haïtien pour son dernier vote à l’Organisation des États de l’Amérique (OEA) contre le président vénézuélien élu, Nicolas Maduro. Selon l’économiste, « Ce prêt concessionnel ne permettra pas de dynamiser les investissements et n’apportera aucune amélioration dans l’économie haïtienne », prévient-il. Si le président Jovenel Moïse compte sur cet argent pour renforcer les liquidités du pays, l’économiste Camille Chalmers lance une mise en garde au pouvoir en place estimant qu’Haïti ne respecte pas les conditions de solvabilité du FMI pour garantir une gestion transparente.
Marc Evens Lebrun