Fin éventuelle de l’accréditation des facultés de médecine

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Istock/ Getty Images
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Depuis quelques années déjà, on assiste à la baisse continue du niveau de formation dans les facultés de médecine en Haïti. Conséquemment, la qualité des soins fournis par les personnels de santé dans de nombreux hôpitaux laisse à désirer. Le constat est fait par des institutions internationales qui expriment des craintes, au point qu’Haïti risque d’être déchu de la scène médicale comme pays formateur.  

Si rien n’est fait pour relever le niveau de formation dans nos facultés de médecine, d’ici 2023, aucun médecin haïtien ne sera apte à pratiquer ses connaissances dans ce domaine à l’étranger, en particulier aux États-Unis et au Canada.

Ces deux pays, ayant remarqué les conditions dans lesquelles ces institutions universitaires évoluent en Haïti et les déficiences enregistrées dans le système médical haïtien, expriment leurs craintes. L’organisme mondial chargé de contrôler la régulation des facultés de médecine étrangère, « The Educational Commision for Foreingn Medical Graduates (ECFMG) », partage cette inquiétude. Il faudra une formation de qualité à tout prix, car « la pédagogie médicale des facultés de médecine en Haïti, semble ne pas être à la hauteur des attentes mondiales. Le cursus universitaire, la recherche, les laboratoires, les stages hospitaliers sont autant de facteurs manquants », constate Mettelus W. Newton, étudiant en 5ème année à la faculté de médecine de l’Université Notre-Dame d’Haïti (UNDH). Ce qui, selon le jeune étudiant, abaisse le niveau et empêche une équivalence méritoire entre les facultés de médecine d’Haïti et celles des autres pays.

Pour une médecine universelle
« L’objectif de l’accréditation est de standardiser les normes d’apprentissage et de recherche », explique le spécialiste Audie Métayer, néphrologue et interniste. Toutes les facultés préparant les personnels de santé devraient enseigner à peu près les mêmes connaissances partout dans le monde de façon à réduire les écarts entre les connaissances et favoriser la mobilité d’un médecin d’un pays à un autre. Dr Métayer ajoute que « l’accréditation est l’obtention d’un label de qualité, c’est-à-dire, une procédure permettant de vérifier à l’aide des normes standards et un référentiel si les exigences minimales ou les conditions de base requises pour une formation universitaire en médecine sont respectées. Ceci déterminera si les compétences acquises par les étudiants en médecine leur permettront de servir convenablement leur milieu social ». Il rappelle que les avantages  de l’accréditation sont nombreux : premièrement, « elle permet à l’institution accréditée de renforcer sa visibilité ainsi que sa crédibilité tant sur le plan national qu’international. En second lieu, elle permet de tester le niveau des universités ou facultés dans différents domaines en comparant les diplômés. Par-dessus tout, elle assure la mobilité d’un médecin d’un pays à un autre dans le même domaine ». Les conditions d’accréditation imposées  aux États-Unis d’Amérique depuis 1885 sont de plus en plus rigoureuses. Pour qu’une faculté Haïtienne soit accréditée, il lui faut tout d’abord une autorisation de fonctionnement du MENFP, une reconnaissance d’utilité publique par le MSPP. À cette étape, l’Organisation Mondiale de la Santé n’attendra qu’une lettre de l’État pour que la faculté en question ait une reconnaissance internationale. Il faut ensuite se soumettre à la procédure d’accréditation qui exige :  1) la planification de l’accréditation qui indique que la décision de se faire accréditer par un organisme international est prise. 2) la mise en œuvre qui elle-même comporte quatre éléments : la préparation , l’autoévaluation, une évaluation externe par un organisme régional et la décision finale.

Une réforme déjà lancée
Pour gagner ce grand pari international, des réflexions entre la faculté de médecine et de pharmacie (FMP) de l’UEH et les facultés privées ont été déjà entamées. Le Dr Metayer rappelle qu’il y avait eu beaucoup de délibérations sur le profil des médecins diplômés à la FMP entre 2008 et 2009. Il mentionne aussi la conférence des doyens des facultés de médecine après le séisme de 2010. Le néphrologue croit que ces efforts peuvent mener à un résultat. Toutefois, il souhaite que la procédure soit respectée par les responsables des facultés, d’autant que celle-ci prendra au moins 3 ans avant d’aboutir. L’une des conditions majeures pour qu’une faculté soit accréditée consiste en l’implication dans son milieu social avec et pour sa population. En Haïti, nos facultés répondent bien à ce critère, et les cliniques mobiles en sont la preuve. Quoique difficile à réussir, Dr Audie Métayer dit espérer : la création d’une agence d’accréditation  nationale par le gouvernement haïtien et l’affiliation à une agence régionale telle que la Conférence Internationale des Doyens des Facultés de Médecine d’Expressions Françaises (CIDMEF), et enfin l’homologation de l’OMS comme accréditeur international.

Marc Evens Lebrun