Élection présidentielle: En route pour le second tour ?

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La question du second tour de l’élection présidentielle reste posée : se tiendra-t-il ? Les déclarations se multiplient. Jovenel Moïse dit avoir déjà enfilé ses bottes pour la bataille, tandis que Jude Célestin hésite à recommencer la campagne comme à la veille du 1er tour.

Lors du premier tour de l’élection présidentielle, les plus visibles sur les affiches géantes étaient les deux poids lourds qui ont mené une campagne électorale sans s’invectiver : Jude Célestin et Jovenel Moïse. Ils ne se sont jamais retrouvés face à face, même pas durant un débat public,  ni sur un terrain de campagne. Très différent de 2010 quand les chocs de titans opposaient le candidat Michel Martelly à Jude Célestin ou à Mirlande Manigat. Les pierres fusaient de toutes parts, les coups de feu aussi. Cette année, Jude Célestin s’est montré élégant et Jovenel Moïse d’une rare finesse. Deux candidats dans des positions diamétralement opposées : l’un se conforte dans l’opposition qu’il appelle « secteur démocratique » et refuse toute concession tandis que l’autre est tenu à bout de bras par le pouvoir officiel, qui veut le voir réussir.

Des foules partisanes  derrière Jovenel Moïse
La campagne du 1er tour de Jovenel Moïse reste marquante. Il est parvenu à convaincre nombre de personnalités de la capitale à se tenir debout derrière lui. Jude Célestin, une autre figure de la province en a fait autant. Derrière de multiples drapeaux roses, la campagne de Jovenel Moïse s’est déroulée aux couleurs du parti présidentiel, récoltant des bravos aux cris de « Tet Kale nou avew ! » (Tet Kale nous sommes avec toi !) ou encore « Neg bannann, yo bannann ! » (Planteur de bananes, les autres sont foutus !). Jovenel Moïse jouit de l’aura du président qui l’accompagne partout. Les foules partisanes soudées à Martelly saluent Jovenel comme leur nouveau gladiateur. Dans l’arène il joue des mots et insiste sur son caractère d’héritier du chef de l’Etat. Jovenel Moïse voit parmi les personnes venues assister à ses meetings quelques paysans brandissant des pattes de figues bananes hurlant « Banm bannann lan ! » (Donnez-moi de la banane !). Des journalistes étrangers sourient. Chez eux, la perception de la banane est toute autre. Jovenel Moïse mène sa campagne sans hésiter sur fond d’images de bananes symboles de prospérité : « La banane se renouvelle sans cesse, elle nourrit et permet de prospérer. Nous allons gagner pour sortir Haïti de son extrême pauvreté », affirme-t-il, passionné, devant les supporters du PHTK auxquels il demande de rester calmes jusqu’à la fin du second tour.

CampagneJovenelMoise.
JOVENEL MOÏSE reçoit souvent le soutien du président lors de ses sorties

La campagne différente de Jude Célestin

Jude Célestin, durant la campagne du 1er tour, s’est montré lui aussi convaincant. Des centaines d’Haïtiens se sont mis à courir derrière lui, pancartes en main, des artistes ont dessiné en couleur son portrait sur les murs, ses posters ont été largués depuis le ciel, des dizaines de motards ont défilé dans les villes en criant son nom… Une campagne aux couleurs du drapeau brésilien attirant des milliers de fanatiques du football. Un large sourire rassurant. Si durant toute la campagne Jovenel Moïse a arpenté les couloirs des médias, pour mieux se faire connaître, Jude Celestin est souvent resté dans l’ombre et a évité, jusqu’ici, tous les débats publics. Comme en 2010, son équipe de communication se montre en dessous de ses devoirs, regrettent ses partisans. Pourtant campagne électorale signifie campagne de communication et de mass media. Avant le second tour prévu pour le 27 décembre, Jude Célestin mène sa campagne autrement. A coup de communiqués de presse émanant du G8. Il fait durer le suspense, au risque de voir une partie de ses partisans se tourner vers le candidat opposé et, à la dernière minute, perdre leurs énergies et leurs votes… Les huit partenaires (Sauveur Pierre Étienne, Jean-Charles Moïse, Jude Célestin, Jean-Henry Céant, Steven I. Benoit, Eric Jean Baptiste, Mario Andresol et Samuel Madistin) veulent voir, de manière utopique, le CEP faire son mea culpa, retirer Jovenel Moïse de la course, faire partir Martelly et organiser les élections sous un gouvernement de transition. Rien n’est moins sûr car le CEP a rétorqué n’avoir pas de provisions légales ne serait-ce que pour créer une Commission indépendante de vérification. Le second tour ne semble donc bien être que la seule alternative.

Tania Oscar