Éducation: La révolution du tableau numérique

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PHOTOGRAPHIES PAR GIORDANO COSSU

En plus d’unifier le programme scolaire, le tableau numérique interactif (TNI) permet de passer à une pédagogie basée sur l’observation, la réflexion et l’expérimentation. Le ministère de l’Education nationale projette d’équiper 500 écoles publiques d’ici 2017.

A ccroché sur un mur, un projecteur relié à un ordinateur envoie des images sur un tableau blanc. Un stylet électronique sans fil permet d’écrire ou de déplacer et d’effacer à loisir les images projetées sur le tableau. Le tableau numérique interactif (TNI) permet aussi la publication de contenus multimédias (vidéos, sons, photos). Il entraîne les élèves et les enseignants dans un processus d’interaction qui améliore l’apprentissage des uns et allège la tâche des autres. « C’est un outil formidable qui nous permet de présenter plein de choses aux enfants, témoigne Ghyslaine Jean Louis, enseignante et directrice de l’école Les P’tits trésors à Santo. Quand je leur parle de la plante, de la racine et de la tige, le TNI me permet de leur montrer ce que c’est.Ce n’est pas une leçon que l’enfant apprend par cœur mais il voit des images et des personnages avec lesquels il s’associe. » Actuellement, l’expérience du TNI se fait pleinement au niveau des quatre premières années du niveau fondamental.
Vingt mille enfants sont déjà concernés par cette technologie depuis que l’association Haïti Futur l’expérimente. A La Montagne, 11e section communale de Jacmel, l’organisation Opadel, qui dirige l’une des premières écoles qui en ont bénéficié, associe son contenu avec les réalités du milieu paysan dans lequel évoluent les enfants. « Ils sont plus enthousiastes à participer et à apprendre, se réjouit Christian Léger, coordonnateur d’Opadel. Grâce aux illustrations, aux cartes et aux images qui bougent, les enseignants ont plus de matériel pour mieux faire comprendre les leçons. C’est un outil pédagogique et un moyen de diffuser des vidéos pour sensibiliser les enfants sur des problèmes liés à la région. » Selon la présidente d’Haïti Futur, Josette Bruffaerts-Thomas, le TNI s’est imposé à partir du constat des classes surchargées qui empêchaient les enseignants de proposer des cours de qualité. « Nous avons fait de la veille technologique pour voir comment d’autres pays réagissaient à ce type de problème, explique-t-elle. C’est ainsi que nous sommes tombés sur le programme Sankoré duquel nous avons pris le tableau numérique et le logiciel. Ensuite, nous avons adapté le programme à la réalité haïtienne. »

Haiti-Future
HUIT MATIÈRES du premier cycle fondamental ont déjà été numérisées.

Le tableau doit  s’accompagner de contenu

Une équipe d’experts numérise les cours à partir du programme officiel du ministère de l’Education nationale. Pour chaque cours numérisé, un guide à l’usage des enseignants est élaboré. Au début, Haïti Futur travaillait avec Paraschool (éditeurs Nathan et Bordas) en France pour développer les contenus. Actuellement, il y a un effort de transfert de technologie pour que ceux-ci soient entièrement produits en Haïti. Numériser la vingtaine de cours du premier cycle fondamental représente un coup d’1,5 million de dollars. Huit matières sont déjà numérisées. Avec le support de l’Agence française de développement, les seize restantes seront numérisées dans deux ans. Deux cents tableaux numériques interactifs sont déjà installés dans des écoles privées et publiques en milieux rural et urbain. Quelques centres professionnels, la faculté de linguistique de l’UEH et l’université de Limonade, dans le Nord, en sont également équipés. Des conseillers pédagogiques accompagnent régulièrement les enseignants et des techniciens assurent la maintenance de l’équipement.


« C’EST UN OUTIL FORMIDABLE QUI NOUS PERMET DE PRÉSENTER PLEIN DE CHOSES AUX ENFANTS »


 

Le MENFP emboîte le pas

« Par rapport aux ressources dont elle dispose, nous voulons développer la culture du numérique dans la pratique de l’enseignement en Haïti et cela passe par le TNI », affirme Renold Telfort, directeur du ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP). D’ici décembre 2017, 500 écoles publiques devraient être équipées d’un TNI. Ceci porterait le nombre d’enfants concernés autour de 70 000, avec une centaine d’emplois créés à la clé. L’un des freins au déploiement des TNI est que 90 % des écoles rurales n’ont pas d’électricité et ne sont pas branchées sur le réseau. Pour pallier ce problème, Electriciens sans frontières met des panneaux solaires à disposition des écoles qui bénéficieront des 500 TNI dont la France a fait don au MENFP. Ces panneaux ont une durée de vie de vingt ans et les accumulateurs lithium peuvent durer douze ans. L’installation électrique, le plus cher pour le système, coûte 7 500 dollars US et l’équipement du TNI coûte 3 125 dollars.

 Ralph Thomassaint Joseph