Au cours de l’année 2016, le transport en commun pourrait prendre le virage de la modernité, ce qui impliquera des mesures concrètes de la part des décideurs. La Commission nationale de modernisation du transport en commun (CNMTC), créée en février 2015, a déjà fait des suggestions qui continuent d’alimenter les débats.
Par Cossy Roosevelt
Dynamiser la modernisation du transport en commun, minimiser les risques de la circulation et prévenir les pertes de vies et de biens, voilà résumée la mission de la Commission nationale de modernisation du transport en commun (CNMTC) créée suite à la première conférence nationale sur la Recherche de mobilité pour une structure du transport et de la mobilité axée sur la durabilité en Haïti, qui s’est tenue en février 2015. Cela a conduit à de sérieuses réflexions sur l’état des routes, les conditions lamentables de la grande majorité des véhicules de transport en commun, le phénomène des taxi-motos, l’absence de gares routières et l’anarchie caractérisant la circulation automobile dans le pays. Il y a lieu d’agir pour renforcer la sécurité des usagers et projeter à l’extérieur une autre image d’Haïti.
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L’informel prédomine en Haïti et le secteur du transport en commun n’y échappe pas : 80 % des véhicules assurant les différents trajets sur les routes nationales, départementales et locales appartiennent à des particuliers. La région métropolitaine de Port-au-Prince concentre la majorité des tap-tap et taxis, trop souvent en très mauvais état. L’on dénombre environ 100 000 véhicules de transports en commun, un chiffre en augmentation constante puisque 38 000 véhicules d’occasion viennent augmenter chaque année le parc national qui, aujourd’hui, en compte au total environ 350 000, selon les statistiques disponibles. Certains entrepreneurs font l’acquisition d’autobus neufs sachant pertinemment que leur investissement n’est pas garanti en raison des conditions exécrables de la plupart des axes routiers. Se déplacer à travers le pays se révèle un exercice cauchemardesque, puisque le plus souvent les passagers sont entassés dans des cercueils roulants exempts de tout contrôle policier.
Un élan de modernité
Depuis quelques années déjà, un élan de modernisation du transport en commun s’est mis en place, notamment sur les circuits Port-au-Prince/Les Cayes et Port-au-Prince/Cap-Haïtien. Des autobus climatisés et confortables sont mis à la disposition des intéressés, avec l’inconvénient du prix des billets beaucoup plus cher que ceux des véhicules traditionnels. Dans le cadre de cet effort, la présence de la Capital Coach-line n’a pas fait que des heureux, si l’on se réfère à l’incident qui s’est produit en mars 2015 au cours duquel un bus de ladite compagnie assurant le circuit Port-au-Prince/Les Cayes a été incendié par des individus non identifiés. Bien avant, plusieurs initiatives ont été entreprises pour tenter d’améliorer le transport en commun en Haïti. A commencer par la compagnie publique CONATRA ou encore les compagnies, « Dignité » et « Service Plus ». A noter également l’initiative du président Michel Martelly de remettre des bus d’une vingtaine de places à des jeunes formés dans le cadre d’un programme gouvernemental.
De très nombreux bouchons
Etant donné que les réseaux routiers haïtiens ne peuvent répondre aux flux importants d’engins, il est de plus en plus difficile de circuler en raison des bouchons qui se créent partout. Les motos-taxis s’introduisent comme l’alternative la plus pratique et s’imposent en nombre : plus de 500 000 enregistrées, selon le service de la circulation. N’étant pas régulés par des normes, ces engins à deux roues participent grandement à la recrudescence de l’insécurité routière dans le pays ces dernières années. Sans parler que les permis pour ces deux-roues sont délivrés sans se soucier de la formation des conducteurs. Les dizaines de milliers de motos qui roulent dans tous les sens sont impliquées dans plus de 50 % des cas d’accidents. Mais il faut aussi considérer les opportunités économiques générées par la vente de plusieurs dizaines de milliers de motos par an et la part importante désormais occupée par les taxi-motos dans le transport en commun.


L’AVIS DE Changeux Mehu
Responsable de l’Association des chauffeurs propriétaires d’Haïti (ACPH)
« IL EXISTE UNE CERTAINE VOLONTÉ D’AMÉLIORER LES CHOSES »
« L’état des routes et des véhicules ainsi que l’inapplication des règlements de la circulation préoccupent au plus haut point. En tant que membre de la Commission nationale de modernisation du transport en commun, je peux dire qu’il existe une certaine volonté d’améliorer les choses et des recommandations ont été faites. L’amélioration des conditions du transport en commun permettra de limiter les cas d’accidents et de protéger des vies et des biens. Cela passe d’abord par le rétablissement des feux de signalisation pratiquement inexistants dans le pays. Je déplore le fait qu’en 2016 passagers et animaux se côtoient encore dans des camionnettes mal entretenues à l’origine des bouchons à répétition à travers les rues de la capitale. D’où l’importance des démarches de l’Association des chauffeurs propriétaires d’Haïti (ACPH) pour la relance effective du service d’inspection des véhicules, de l’identification et du respect des circuits, et la construction d’aires de stationnement. »
Renforcer les campagnes de sensibilisation
Il importe pour les autorités haïtiennes de renforcer les campagnes de sensibilisation afin d’éviter la répétition de la vague d’accidents qui se sont multipliés en 2015. En dix ans, 45 783 accidents ont été recensés sur nos routes occasionnant un millier de morts, selon les chiffres accumulés fournis par la Police nationale d’Haïti (PNH). L’implémentation de la Stratégie et plan d’action de sécurité routière devrait permettre de renforcer la sécurité routière dans les cinq prochaines années par une inspection de la totalité du réseau routier national, de 30 % du réseau départemental et de 80 % du parc des véhicules motorisés. Ce qui est pourtant est frappant, c’est qu’en janvier 2016 aucun signe d’inspection rigoureuse sur les routes n’est encore visible.
50 % des routes en mauvais état

Aujourd’hui, plus de 50 % des 4 370 km de routes dont dispose le pays ne sont pas asphaltées et sont en mauvais état. En 2013, seulement 60 % du réseau primaire, 40 % du réseau secondaire et 20 % du réseau tertiaire étaient réhabilités, selon le document Stratégie et plan d’action de sécurité routière révisé en février 2015. L’inexistence des panneaux de signalisation, le manque de visibilité dans les virages, par exemple sur le tronçon calamiteux Fonds-Verrette / Anse-à-Pitres longé de falaises, augmentent les risques. Les routes nationales 1 et 2 sont particulièrement périlleuses face à l’irrespect des règles de la circulation. Conséquemment, Haïti est un pays où le taux de décès provoqués par des accidents de la circulation est très élevé, 20 morts pour 100 000 habitants alors qu’il évolue entre 5 et 9 pour 100 000 dans les pays développés.