L’une des situations les plus stressantes que l’on puisse vivre c’est de se retrouver un soir dans un centre hospitalier avec un membre de sa famille ou un ami dans un état critique nécessitant des soins d’urgence. La prise en charge est possible si vous êtes en possession d’une forte somme d’argent ou si vous avez quelqu’un qui peut influencer les décisions en votre faveur.
Il est 9 h 30 PM, Gina*, une jeune femme d’une trentaine d’années éprouvant des douleurs atroces au niveau du ventre, s’écroule brusquement. C’est la panique ! Il faut l’emmener d’urgence au centre de santé le plus proche. À Pétion-ville, l’hôpital public Eliazar Germain est à la portée de tout le monde. La souffrante est accueillie à la salle d’urgence par un médecin et une infirmière qui parviennent rapidement à la réanimer. En attendant de connaître les causes de son malaise, on lui installe des solutés. Mais, le temps de poursuivre l’assistance médicale, une incroyable coupure d’électricité intervient, les lumières de plusieurs téléphones portables prennent inutilement la relève.
Le personnel médical se désengage, les quelques patients qui y étaient n’avaient pas d’autre choix que de vider les lieux. Les heures passent, le cas de Gina s’aggrave. Ses parents se résignent à aller chercher de l’espoir dans un hôpital privé à Puits-Blaint. Une fois là-bas, il est exigé de faire un dépôt de 40 000 gourdes pour prendre en charge la malade, en plus du paiement de la consultation (1 500 gourdes) et l’achat des médicaments. C’est l’exaspération ! « On ne s’y attendait pas. À 10 h 30 PM où trouver 50 000 gourdes ? », se plaignent sa mère, ses trois sœurs et un ami proche. Ne pouvant satisfaire à cette exigence, ils sont invités à quitter les lieux. Nouvelle destination : Fermathe (commune de Kenscoff). Il est déjà 2 heures du matin quand les proches de Gina arrivent au centre de santé référé et apprennent dans la douleur qu’il vaudrait mieux se diriger vers une structure disposant d’un bloc opératoire. L’hôpital La Paix de Delmas 33 leur est alors conseillé. Ils ne désespèrent pas, la descente prendra moins de 30 minutes.

Heureusement, à 3 heures AM, des médecins et des infirmières étaient disponibles et disposés à donner des soins à la seule condition de pouvoir répondre aux dépenses multiples. C’est la règle appliquée dans le secteur privé aussi bien que dans le public. Les premières observations sont faites, les premières mesures sont prises pour stabiliser la patiente. Mais il reste maintenant à déterminer la vraie cause du mal. Après approfondissement des analyses, des médecins se rendent à l’évidence qu’une intervention chirurgicale est l’unique solution. Nouvelle exigence : « trouver du sang », au risque d’assister à la plus triste fatalité. C’est la panique totale ! Des larmes à profusion provoquées par le désespoir puisque la Croix-Rouge haïtienne ne dispose pas de suffisamment de sang pour répondre aux nombreuses demandes. « N’était-ce le déclenchement d’une ultime mobilisation, on ne parviendrait pas à obtenir trois pochettes de sang », révèle Marie*, la tête pensante de la famille. *Fedix, qui s’est battu corps et âme pour maintenir en vie Gina, conclu qu’« on n’a pas le droit de tomber malade en Haïti ». Cela, dit-il, pour plusieurs raisons : le dysfonctionnement répété des hôpitaux publics, le coût exagéré des soins (qui laissent à désirer) dans les centres médicaux privés et le problème de formation. Qu’en est-il du ministère de la santé publique et des plans stratégiques élaborés ? Qu’en est-il de la coopération haïtiano-cubaine qui, au tout début, donnait des résultats considérables ? En octroyant à la santé seulement 6,1 % du budget 2018-2019, l’opinion publique se réserve le droit de mettre en question la volonté des autorités de résoudre, tout au moins, les problèmes récurrents.
(*Par souci de protection de la vie privée de certaines personnes, des noms d’emprunt ont été attribués en lieu et place des vrais noms).
Cossy Roosevelt