Selon les statistiques disponibles, Haïti perd chaque année près de deux milliards de dollars en fruits de mer à cause de la disparition des mangroves, des dépôts de déchets et de sédiments dans le milieu subaquatique. Il faut absolument agir dès maintenant.
Des sachets, des bouteilles en plastique, des carcasses d’appareils électroménagers tapissent la baie de Port-au-Prince. Ces débris arrivent des canaux d’évacuation ou sont directement déversés par des camions, ou encore par des individus qui veulent y construire des maisons de fortune. En saison pluvieuse, la situation est catastrophique puisque des tonnes d’alluvion viennent s’ajouter aux déchets polluants en tous genres. Les premières victimes sont la faune et la flore, mais aussi celles et ceux qui vivent de la pêche.
La pollution marine tue le métier de la pêche
Au mini port de Cité Soleil, le plus vaste bidonville du pays, de nombreux pêcheurs tissent leur filet, c’est bientôt l’heure de la pêche. Les canots sont déjà mouillés, ils s’apprêtent à quitter la côte. La quantité de débris qui flotte autour d’eux est impressionnante. Le groupe de pêcheurs hésite pendant quelques instants avant de se lancer sachant pertinemment que leurs filets vont ramasser plus de fatras que de poissons. Et ce n’est pas Ismaël Jumel avec ses 40 ans de pratique de la pêche qui viendra dire le contraire. Ce sexagénaire explique que l’activité de pêche a diminué considérablement ces dernières années en raison du déboisement massif, de l’utilisation à outrance des emballages en plastique et de la mauvaise gestion des déchets. « Jadis, en une seule journée de pêche, on récoltait des fruits de mer à écouler sur le marché pendant deux jours. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Les poissons ont fui les côtes à cause de l’insalubrité de la mer », raconte Ismaël, les mains moites, tenant difficilement un igloo. Assez souvent, révèle-t-il, les pêcheurs découvrent des poissons morts à la surface des eaux.
Quelles initiatives entreprendre ?
Pour renverser la tendance, des organisations locales décident de s’impliquer dans la lutte pour la protection de l’environnement. Le Collectif des Notables de Cité Soleil (CONOX) espère ainsi sensibiliser les habitants des différents quartiers sur les effets néfastes et dévastateurs des objets polluants. « Les mauvaises pratiques ont la vie dure », reconnaît le CONOX. En dépit des mises en garde lancées, des gens continuent de souiller la voie publique et considèrent la mer comme un site de décharge. Samuel Cadet, originaire de Cité Soleil et leader engagé, confirme cette pratique qui tend à devenir la règle. Il préconise un système de surveillance sur les côtes pour prévenir les actions susceptibles d’avoir un impact négatif sur la faune et la flore marines. Le jeune leader communautaire dit ne pas comprendre l’attitude des autorités face à la dégradation du littoral, considéré pourtant comme une source de richesses dans de nombreux autres pays.
Lutter contre la pollution marine est possible
La pollution marine est le cadet des soucis des dirigeants haïtiens. Leur mépris face aux ravages causés dans le milieu marin n’a d’égal que leur inaction. De fait, aucune disposition n’a été prise pour assainir le littoral, ce qui exaspère le spécialiste en environnement, Jean André Victor. Agronome de métier, il reste convaincu que les autorités étatiques auraient pu limiter les dégâts. « Aujourd’hui, les déchets qui polluent les côtes haïtiennes atterrissent jusque sur des plages à Cuba », révèle Jean André Victor. Il préconise une gestion de proximité pour venir à bout du phénomène et non la méthode coercitive. « L’implication des citoyens est nécessaire, car ils sont les premiers agents pollueurs », soutient l’expert. En plus d’être la voie la plus ancienne et la plus utilisée dans le monde pour le transport, la mer est l’un des espaces naturels de production les plus rentables. Elle est aussi au centre des activités touristiques mondiales. En Haïti, la mer semble devenir un vaste exutoire. L’impuissance ou l’inconscience des dirigeants de l’État favorise la détérioration continue du territoire marin haïtien.
Wandy Charles