Bien des pratiques ont disparu en Haïti, et parmi les traditions qui résistent encore aux nouvelles influences sociales et aux phénomènes technologiques : la Saint Valentin. Malgré la baisse économique, des couples amoureux s’accrochent à cette coutume en s’offrant
des gerbes de fleurs, du chocolat, des cartes et autres cadeaux.
L’art d’aimer ne change pas de visage en Haïti, en particulier à Port-au-Prince. Jeunes et vieux s’organisent durant cette période qui traîne derrière elle un ensemble de pépites d’amour. Si certaines traditions tendent à disparaître, la Saint Valentin perdure dans la réalité haïtienne. Les amoureux font des économies tout particulièrement pour satisfaire les caprices de leur bien aimé. « Il n’y a pas meilleurs moyens de témoigner son amour à sa moitié que par ce petit geste symbolique », témoigne Sophie, une jeune fiancée. Avec un panier contenant une peluche, des chocolats, des dragées, une bouteille de champagne… sa fête est assurée. Jacqueline*qui a reçu une gerbe de fleurs de son petit copain définit la Saint Valentin comme « une fête d’amour et de partage ». Pour elle, cette fête va au-delà du cercle des ‘’couples-amoureux’’ et s’étend jusqu’à la frontière de l’amitié et de la famille. Pour expliquer davantage son propos, elle avance qu’: « On n’a pas besoin d’avoir un petit copain ou une copine pour fêter la Saint Valentin, la meilleure chose à faire est de fêter la période avec ceux et celles que l’on aime vraiment en leur faisant cadeau une fleur ou une tablette de chocolat ».

Une semaine d’afflux économique
« Les ventes commencent dès la dernière semaine du mois de janvier », confie Rita*, mais la semaine la plus achalandée reste la deuxième du mois de février. Rita*, une marchande ambulante, vend des chocolats emballés à partir de 250 gourdes et jusqu’à 4 000 gourdes. Cependant, le cas de sa voisine commerçante, Andremène*, est bien différent puisque cette dernière estime que les ventes ne sont pas à la hauteur de ses attentes cette année. Débitrice d’une caisse de crédit populaire de la Capitale expressément pour la période, elle hésite encore face aux résultats de ses ventes. « Les gens sont encore réticents quand il s’agit d’acheter les plus gros paniers de chocolats », se plaint-elle. Il faut ajouter à cela la crainte manifeste des agents de la mairie de Port-au-Prince qui ne tolèrent pas les petits commerçants sur les trottoirs. Rue Capois, au Champ de Mars, ainsi que rue Magny Romain, non loin du ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF), presque tous les trottoirs sont obstrués. L’activité économique est intense, les jeunes viennent de partout pour marchander les paniers de chocolats et certains d’entre eux repartent avec les mains bien remplies.

Une pratique modifiée par les nouvelles technologies selon certains
La technologie, véritable agent transformateur de la société, n’épargne pas dans sa logique de modification des relations amoureuses, selon certains spécialistes. Mais, à en croire de simples citoyens, le téléphone portable ainsi que les réseaux sociaux modifient encore davantage le mode de communication des amoureux, voire même impactent négativement les relations humaines. Rony*, âgé d’une cinquantaine d’années, dit constater que bien des choses ont changé par rapport à la façon dont la Saint Valentin était fêtée trois décennies auparavant. « Dans les années 1992-1993, les amoureux de l’époque se passionnaient à envoyer des lettres d’amour, de la pure poésie». Mais aujourd’hui, poursuit-il, les téléphones intelligents ont pratiquement changé la donne, affirmant qu’ « il n’y a plus de feuille parfumée pour écrire des missives ou des acrostiches, mais que des posts Facebook avec des contenus peu intéressants ». Rony qui vit dans la nostalgie des temps anciens, voit aujourd’hui dans la fête des amoureux célébrée traditionnellement le 14 février de chaque année, un business qui peut être traduit par l’anglicisme : «No money, No Love – Sans argent, Pas d’amour ».
Marc Evens Lebrun